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Karl Marx ✆ Hosoya
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Jérôme Lamy &
Arnaud Saint-Martin
Abandonné dans les années 1990, le
corpus marxiste n’est plus une référence
pour les Science studies, devenues discipline dominante. Une série de
théories (de l’acteur-réseau à la Triple hélice, en passant par la Nouvelle
production des savoirs) envisage les articulations entre sciences et politique
sur le mode d’un alignement très général aux formes contemporaines de la
marchandisation des connaissances. La fluidité des relations le dispute à la
disparition souhaitée de l’État. Cependant, au début des années 2000, c’est un
autre Marx qui resurgit : ses travaux sur l’interaction métabolique entre
la nature et les activités humaines sont reconfigurés aux formes d’une
sociologie résolument écologiste. Le retour du refoulé semble ne plus avoir de
limites, puisque les textes des historiens marxistes d’avant le second conflit
mondial, comme Edgar Zilsel, sont republiés, et que la généalogie
des Science Studies n’exclut plus, dans son histoire officielle en
cours de constitution, cette matrice marxiste.
« Et en plus de cela, j’étudie aussi Comte en ce moment,
puisque les Anglais et les Français font tant de bruit autour de ce type. Ce
qui les aguiche, c’est son côté encyclopédique, la synthèse. Mais c’est
lamentable comparé à Hegel […]. Et cette merde de positivisme est parue en
1832 ! » — Karl Marx, Lettre à Friedrich Engels,
7 juillet 1866.
La
béance des nineties : Marx oublié
1. La configuration des années 1990 marque un reflux net des
références à Marx dans les principaux travaux STS. Quelques tentatives pour
articuler encore le corpus marxien
aux problématiques STS mettent en évidence des tiraillements, des ambiguïtés et
des oublis soigneusement entretenus.
2. William Lynch et Elisworth Fuhrman relisent, en 1991, pour la
revue Science, Technology &
Human Values 1,
l’ouvrage fondateur du programme fort :Knowing as Social Imagery, édité en
1976 2. L’accent mis par
Bloor sur la neutralité morale contraste sérieusement avec la posture marxiste
qui ne vise pas à expliquer le monde mais à le transformer. Lynch et Fuhrman remarquent que
l’économie politique est un savoir aliéné (aliened knowledge), insuffisamment
réflexif et finalement hors de contrôle 3. Repartant de L’idéologie
allemande, les deux auteurs insistent sur la construction perpétuelle de la
nature, comprise à travers les études physiques et chimiques. L’homme, comme
élément du monde, participe à sa construction ; les savoirs qu’il produit servent
toujours des intérêts qu’il convient de repérer et de
révéler 4. Michael Lynch répond, en 1992, aux
propositions de Lynch et Fuhrman. Il leur reproche d’abord de proposer un
retour en arrière des Social Studies of Knowledge (SSK), par le
truchement de ce qu’il appelle le « tour complet » (full circle)
opéré par l’historiographie passant de Mannheim à Marx. Il refuse que les SSK
soient transformées en régime d’analyse métacritique bureaucratique et pointe
les dangers d’un utopisme heuristique 5. Sa
position clairement apolitique permet à Lynch et Fuhrman de signaler
l’inconsistance critique de Michael Lynch. Ils remarquent que même la démarche
ethnométhodologique la plus pure n’est jamais délestée d’enjeux politiques, et
que toutes les micro-interactions sont socialement et politiquement
situées 6. Il n’est peut-être pas inutile de le
rappeler. Gary Werskey remarque en effet que les STS, britanniques en
particulier, ont dû passer l’épreuve du thatchérisme triomphant. Suivant les analyses d’Eric Hobsbawm sur la défaite politique et
intellectuelle de la gauche dans les années 1980, il souligne qu’on assiste à
un « échec du spectre socialiste dans son entier » 7.
3. Question de génération, aussi. Steven Shapin, dans un texte
réflexif sur les conséquences des positionnements internalisme/externalisme en
histoire et en sociologie des sciences, reconnaît que sa
génération (« the sons and daughters of luxury ») a été plus
intéressée par la description des rites de purification des disciplines que par
la transformation du monde 8.
La neutralité axiologique du programme fort, visant initialement à se déprendre
des positions d’autorité que le discours
scientifique permet d’adopter a
priori, a pour effet paradoxal de dépolitiser progressivement le discours STS. Plus exactement, nous
dirions qu’un certain nombre de théories STS se sont politisées dans un sens
opposé à celui qui était le leur au départ. Nous prendrons ici appui sur
trois grandes théories emblématiques des STS : la théorie de l’acteur-réseau, la New Production of
Knowledge et la triple hélice 9. Bien reçu dans l’ensemble des publications STS
(Social Studies of
Science et Science, Technology and Human Values principalement),
ces ensembles conceptuels engagent une certaine vision du monde (social et
scientifique) qui n’est pas sans rapport avec les transformations politiques à
l’œuvre au cours des années 1990, avec l’affirmation des politiques
néolibérales. Afin de ne pas alourdir notre propos inutilement, nous nous
contenterons de repérer les éléments qui, dans chacune des théories, renvoient
à des façons de politiser les rapports sciences/société, sans entrer dans le
détail des argumentaires et des démonstrations.
4. La théorie de l’acteur-réseau (Acting-Network
Theory [ANT]), formulée par Bruno Latour et Michel Callon, se focalise
sur le suivi des acteurs et des énoncés 10.
Pour qu’un fait scientifique s’impose, le scientifique s’oblige à recruter
d’autres scientifiques, à les intéresser à sa démarche en produisant une
« traduction » (comme résolution des tensions entre pureté des
énoncés et nécessité d’amodiation). Le réseau devient alors ce maillage
d’alliés qui rend indispensables l’énoncé et celui qui le porte. Plus les
connexions sont nombreuses, plus l’énoncé est robuste, les liens recoupés ne
pouvant plus être défaits sans un coût scientifique exorbitant pour les
opposants. L’ANT produit, a minima, une réduction des entités
socio-historiques classiques (institutions, État) et vise le dépassement de la
notion de société. Un seul exemple : lorsque
Joliot-Curie travaille, en 1939, sur le ralentissement des neutrinos et
l’approvisionnement en uranium, il négocie avec la particule et avec le
ministre. Les entités humaines, dans un retour à l’hylozoïsme
présocratique 11, ne sont
plus discernables et s’imposent en actants d’un réseau toujours plus vaste.
Dans ce monde social aplani, les concepts marxiens n’ont tout simplement pas de
sens : la critique, les antagonismes, les rapports de classes sont
totalement étrangers à la sociologie latourienne. Plus récemment, des auteurs
ont pointé les affinités électives et les similitudes troublantes entre les
valeurs du néo-libéralisme (sur la redéfinition perpétuelle des réseaux) et
l’ANT 12. Si l’ANT n’a
pas la prétention d’être une théorie politique prête à l’emploi, elle n’en
véhicule pas moins une intention de reconfiguration politique, qui s’accorde
relativement bien aux transformations globales des sociétés néolibérales
contemporaines 13.
5. La NPK assume, quant à elle, ses visées politiques prescriptives.
Formulée en 1994 dans un court ouvrage 14 sans recherches
empiriques de première main, la matrice théorique de la NPK repose sur le
découpage de l’histoire des sciences en deux grands modes : le premier
correspond à un fonctionnement disciplinaire équanime dans la sélection et la
diffusion des connaissances, le second apparaît depuis la Seconde Guerre
mondiale et se caractérise par une trandisciplinarité dynamique et l’alignement
d’intérêts nombreux dépassant ceux de la seule science. Flexibilité, réactivité
et souplesse caractérisent un « mode 2 » détaché des contingences
étatiques. Globalement, la place réduite des formes de décisions collectives
(l’État, les communautés savantes) est conforme à un mode de dérégulation
néolibérale que les auteurs appellent d’ailleurs de leurs vœux. Là encore, le
marxisme est aux antipodes des valeurs politiques sous-tendues par le projet de
NPK, il est donc à peu près normal de n’en pas trouver trace.
6. Dernière théorie emblématique des STS des années 1990, la théorie
de la « triple hélice ». Portée par Loet Leydesdorff et Henry
Etzkowitz, cette modélisation de l’activité scientifique depuis la fin du
second conflit mondial repose sur des relations « en triple hélice »
entre l’université, l’industrie et le gouvernement, qui s’entrecroisent,
s’influencent et se façonnent mutuellement 15. La spirale ainsi constituée,
sous la forme d’une co-évolution permanente, produit de nouvelles structures
d’innovation scientifique et technique. Dans la triple hélice, la place du politique
n’est guère explicitée, mais globalement les instances exécutives doivent
favoriser le déroulement du processus interactif spiralaire, sans chercher à
agir sur l’économie. Leydesdorff
et Etzkowitz présentent très explicitement leur travail comme un cadre
performatif qu’ils proposent aux acteurs politiques (des pays du Sud notamment)
pour optimiser leur gouvernance scientifique. Là encore, et malgré la
dénégation des concepteurs de la triple hélice, qui considèrent comme obsolète
l’opposition entre laisser-faire libéral et État interventionniste, le procès
spiralaire repose sur une disparition (relative) du politique et des instances
collectives de régulation des rapports sociaux dans le domaine scientifique.
Dans la triple hélice, Marx est présenté comme celui qui a pensé les
rapprochements entre sciences et industrie à partir des recherches de Perkins
sur les colorants, mais aussi qui a été incapable de saisir l’importance des
procédures de communication et de codification dans la volatilité informationnelle 16. La théorie de la
« destruction créatrice » de Schumpeter est privilégiée comme
soubassement théorique à la triple hélice 17.
7. On le voit, l’adhésion (plus ou moins forte, et nous simplifions à
dessein) aux valeurs générales d’une pratique scientifique dérégulée en régime
néolibéral rend inutile, dans les principales théories STS, la référence à
Marx. Globalement, la
neutralité revendiquée par le programme fort a fait place à un engagement
performatif dans le mainstream politico-économique
des années 1990. Les théories STS en pointe font écho
(positivement) aux grandes lignes de la dérégulation. Il n’est plus guère possible d’accommoder Marx
à ce nouveau corpus de
valeurs, et le spectre s’estompe peu à peu.
Marx écologiste : des provignements inattendus
8. La question des rapports homme/nature sourd à travers toute l’histoire
des STS. Parce qu’elles ont posé, au principe de leur démarche, un déplacement
du questionnement heuristique, les STS envisagent, dans la multiplicité des
approches engendrées, une redistribution des catégories
« classiques » de l’analyse sociohistorique. La démarcation
homme/nature n’est plus une évidence, ou à tout le moins, elle est une évidence
suspectée. À l’aune d’une épistémologie anti-essentialiste, elle est perçue
comme un schème culturel réifié et hérité du passé, une pétition de principe du
point de vue logique, ou bien encore un argument d’autorité véhiculant des
intérêts sociaux. Nous ne prendrons ici que deux
exemples de cette déconstruction d’un « allant de soi » des sciences
sociales. D’abord, dans
le « programme fort », dont David Bloor donne les grandes lignes
dans Knowledge and Social Imagery,
paru en 1976 : « S’il est concevable que l’explication dépende
d’évaluations antérieures, alors les processus causaux qui sont supposés opérer
dans le monde viendront refléter les patterns de ces évaluations. […] La nature revêtira une signification morale, reconduisant et
incarnant le vrai et le juste. Ceux qui ont tendance à se livrer des explications asymétriques auront
donc l’opportunité de représenter comme naturel ce qu’ils prennent pour
acquis » 18.
Les pratiques scientifiques ne peuvent jamais traduire la nature en tant que
telle, elles engramment toujours des contenus de significations d’ordre social,
politique ou culturel, qui rabattent le discours
savant du côté de l’artefactuel, bref du construit. Autrement dit, tenter de travailler la suture du naturel
et du construit relève d’une fiction
sociale (une « asymétrie de principe », pour reprendre le lexique
fortiste) qui ne produit que des réifications plus ou moins sophistiquées de
positions sociales occultées ou négligées. Et la spirale des évaluations de
persévérer dans l’absolue croyance de la vérité de droit des prétentions dont
elles sont le symptôme discursif.
9. Dans la foulée (donc « post ») du programme fort, Bruno
Latour a mis en œuvre une version personnelle et modulable de la théorie de
l’« acteur-réseau » (ANT) qui s’interdit a priori de distinguer les qualités des ressources qu’un
acteur mobilise pour arriver à ses fins, et plus encore de penser ce genre de
phénomène, car il ne s’agit pas d’une théorie de l’actionà échelle humaine.
« Humains » et « non-humains » s’enchaînent en une
diagonale infinie de « relations » qui se nouent en
« faits », dont la robustesse est fonction de l’intensité du réseau
ainsi constitué. Le savant qui relie sa découverte à un
ensemble de « nœuds » (objets, individus, outils, pairs…) travaille à
la fortification de ses propositions (la remise en cause ne pouvant advenir
qu’au prix d’un dénouement continu de tous les liens constitués) 19. L’ANT repose, chez Latour - on met de côté
ici les autres versions proposées par les auteurs plus ou moins proches de
l’acteur Latour - sur une proposition philosophique (théologique ?)
forte : la modernité s’est constituée autour d’un discours valorisant la séparation
des humains et des non-humains, de l’artefactuel et du naturel, tout en
pratiquant (plus ou moins discrètement) le contraire, c’est-à-dire des montages
toujours « hybrides », des arrimages croisés 20. Distinguer ce qui
relève du social et ce qui relève de la nature revient dès lors à constituer
des chimères et, sur le plan cosmopolitique, à faire persister un « Grand
Partage » qui n’a de sens qu’en tant qu’il s’inscrit dans la trame
historico-culturelle de l’Occident.
10. Les conséquences de cette redéfinition des catégories usuelles des
sciences sociales sont immenses lorsqu’il s’agit d’aborder la place de
l’écologie, entendue comme pratique politique de la nature. Dans un essai
complexe (et pour tout dire assez surréaliste par moments), Latour se propose
de redéfinir les Politiques de la
nature (2004) 21.
Il propose de dépasser la notion de « nature » (qui résulte donc d’un
partage politique et non d’un constat de la « réalité »), pour
engager une réflexion autour des « collectifs » constitués d’humains
et de non-humains prêts à définir des mondes communs. L’écologie politique est
alors le nom d’un projet qui consiste à résoudre des problèmes simultanément
politiques, moraux, légaux, scientifiques et techniques. La nature en est un
élément parmi d’autres.
11. Ce long détour par le canon STS et ses déclinaisons écologistes
permet d’envisager les écarts qui séparent la « nouvelle » sociologie
des sciences d’une sociologie environnementaliste très inspirée par les thèses
de Marx. L’un des auteurs les plus prolifiques sur la question est John Bellamy
Foster, professeur de sociologie à l’université de l’Oregon. Dans une série
d’articles (traduits en français en 2011 sous le titre Marx écologiste 22), il propose un retour sur les
arguments écologistes de Marx et sur les fondements d’une sociologie environnementaliste
marxiste.
12. Bellamy Foster rejette l’idée que Marx se soit désintéressé de la
question écologiste sous prétexte qu’il appartenait au xixe siècle 23.
Marx a lu les travaux du chimiste allemand Justus von Liebig, notamment
sa Chimie agricole, parue en
1840 (et rééditée avec une introduction vigoureuse en 1862), dans laquelle il
est avancé que l’agriculture intensive britannique constitue une
« spoliation » : « le transport sur de longues distances de
nourriture et de fibres depuis les campagnes jusqu’aux villes, sans que rien ne
soit prévu pour assurer la remise en circulation des nutriments comme l’azote,
le phosphate, le potassium, qui sous forme de déchets humains et animaux [vont]
grossir les déchets et la pollution des villes » 24. L’appauvrissement des sols, estime Liebig,
appelle une solution d’amendement grâce au guano sud-américain, dont les
réserves sont rapidement épuisées. Marx en prend acte
et constate la robustesse de l’argumentation contre l’agriculture moderne et
ses conséquences. Marx, souligne donc Bellamy-Foster, tire des conclusions
radicales de cette critique de la pratique intensive : d’abord « le
capitalisme a rompu […] l’interaction métabolique entre les êtres humains et la
terre ; il est indispensable de rétablir ce lien ; le cadre
capitaliste est définitivement nuisible à la restauration d’une certaine
harmonie des cycles métaboliques, l’industrie, le commerce et l’agriculture
s’associant dans la destruction systématique des ressources
naturelles » 25.
Cette démonstration, capitalisant sur une rupture métabolique et réitérée dans
plusieurs passages du Capital, n’épuise pas, d’après Bellamy-Foster, la
perspective écologiste de Marx. Il faut également en revenir à la thèse de Marx
sur Épicure pour suivre le fil marxiste d’un matérialisme de la nature. Le
philosophe grec rejetait l’idée d’un finalisme religieux dans la nature, et
arguait contre l’idée d’une « rupture brusque » entre les humains et
les animaux 26. Mais plus
encore que les auteurs antiques, l’influence de contemporains, et de façon
majeure celle de Darwin, doit être approfondie. La référence à Darwin permet au
philosophe allemand de comparer les organes à des « technologies
naturelles » dont l’usage plus ou moins adapté au milieu environnant
participe de la sélection naturelle des espèces. En effet, l’homme fait de la
nature un « organe de son activité » 27, une technologie pour son
propre maintien dans l’ordre naturel. La réflexion marxiste sur les rapports de
l’homme à la nature est inséparable d’un matérialisme radical qui fait se
composer les investissements technologiques artefactuels et naturels. John
Bellamy Foster ne fait pas seulement œuvre d’exégète écolo-marxiste, il
envisage de replacer Marx et ses propositions dans la généalogie intellectuelle
d’une sociologie environnementale qui peine à définir son périmètre
académique 28, hésitant
par moments entre la sociologie politique ou la sociologie des sciences. L’idée
généralement adoptée par les sociologues environnementalistes était que la
théorie sociologique classique (Marx, Weber, Durkheim, pour faire simple)
n’était d’aucune utilité à la fondation d’une sous-discipline consacrée à
l’étude des questions écologiques et naturelles. Et nous passons sur les
subtilités des étiquettes, entre la sociologie environnementale et la
sociologie de l’environnement notamment. Cette « vision dominante »
d’une sociologie basée « dans sa période classique sur une conception du
monde humaniste qui mettait l’accent sur ce en quoi l’être humain se
distinguait de la nature » 29 permet de dresser, à peu
de frais, des procès en « anthropocentrisme ». Réduisant sa focale au
seul Marx, Bellamy Foster fait la liste des poncifs associés à la sociologie
marxiste dans son versant naturaliste : « prométhéisme » à la
Giddens, démiurgisme inséparable du désastre soviétique, cécité aux problèmes
de la rareté des ressources, etc. Les propositions de Marx sur la rupture
métabolique, éparses mais solides, battent en brèche ces interprétations
hâtives et superficielles. Mais si les vues de Marx ont été aussi pénétrantes
sur une analyse sociologique des dégradations environnementales, comment se
fait-il qu’elles aient été rejetées hors du grand récit auto-instituant la
discipline sociologique ? Bellamy Foster avance deux explications :
« le problème de l’appropriation »
et le « problème définitionnel » 30. L’appropriation tient à une disruption temporelle : les
propositions de Marx ont eu une influence directe sur les marxistes de la fin
du xixe siècle et du début du xxe siècle :
Kautsky (son livre la Question
agraire[1899] traite notamment de la pollution des sols), Lénine (qui
évoque la question des déchets) et Boukharine surtout (qui traite dans
son Historical Materialism des
équilibres entre la société et la nature [1965]) livrent une gerbe de
réflexions nouvelles sur la question environnementale et ses liens avec la critique
sociale. La rupture du stalinisme avec l’écologie, dans les années 1930,
démonétisa complètement les propositions marxistes sur la nature et
l’environnement 31. Ce
n’est qu’à la suite des travaux de l’École de Francfort que Marx connut un
retour en grâce écologiste, surtout chez les agronomes 32. Qui plus est, la méconnaissance du troisième
livre duCapital a longtemps interdit une appropriation sociologique des thèses de Marx. Le problème définitionnel est, lui, centré sur la délimitation
contrariée d’une aire conceptuelle cohérente pour la sociologie
environnementale. Voulant rompre avec l’anthropocentrisme (supposé) de la
sociologie classique, les environnementalistes ont souhaité adopter une
position « écocentrique » 33. Bellamy Foster remarque qu’il
s’agit là d’une reconstruction abusive, d’une « fausse dichotomie »
réifiant les catégories honnies de nature et de société, et courant le risque
« de perdre de vue la construction sociale d’une bonne partie du “monde
naturel” » 34.
13. La logique marxiste d’un antagonisme fondamental des forces de
production est donc à l’œuvre dans la « rupture métabolique » qui
réorganise le flux des ressources au profit du capital, sans néanmoins qu’un
retour de ces éléments essentiels soit envisagé pour la terre. Oubliée par les
programmes productivistes soviétiques et rejetée au nom d’un préjugé
anthropocentrique, la sociologie marxiste environnementale connaît donc une
réactivation critique sous la plume de John Bellamy Foster 35 et de quelques autres (on
pense ici à Paul Burkett, avec qui Bellamy Foster a signé plusieurs articles 36). Surtout, un
élément manque dans ce tableau impressionniste des filiations intellectuelles
au sein de la sociologie : aucune connexion n’est établie avec les STS.
Pourtant, les articulations (y compris critiques) sont envisageables : de
l’attention que les sociologues environnementalistes portent à la rupture anthropocentrisme/écocentrisme,
on s’attendrait à trouver quelques échos dans les propositions de Latour sur sa
constitution écologique. Rien, néanmoins. Formulons une hypothèse : les
références marxistes au sein des STS ont, nous l’avons vu, surtout traité de la
relation science/société, du déterminisme
technologique et de l’heuristique antagoniste ; il s’agit là d’une
lecture somme toute classique de l’œuvre de Marx (la même que celle entreprise
par les sociologues environnementalistes) ; les propositions marxistes sur
l’écologie ne se trouvent pas dans les vulgates et supposent un retour informé
au Capital. Parce qu’il fraie loin des questions de structures, d’État et
d’institutions, mais aussi parce qu’il navigue à distance de la sociologie
environnementaliste (sur les flots toujours irisés de la métaphysique hybride),
un auteur comme Latour ne peut pas être concerné (à double titre donc) par une
approche marxiste des questions sociologiques. Notons toutefois, pour finir sur
ce point, que des jonctions, des approches voisines, des questionnements
convergents nous paraissent conceptuellement évidents entre ces deux mondes qui
cependant s’ignorent, pour des raisons qu’on n’épuisera pas ici, mais qu’il
serait utile d’envisager à l’avenir 37.
Le
retour du refoulé ?
14. Vers les années 2000, on observe un retour de Marx. Tout l’enjeu
est de comprendre de quel Marx il s’agit. C’est un retour subreptice d’abord,
par l’historiographie et la résurrection de figures oubliées. Ainsi Edgar
Zilsel, qui a servi de « cheval de Troie » marxiste dans les
linéaments des STS, est à nouveau mobilisé au début des années 200038. Autre exemple d’un retour en grâce des thèses
marxistes : en 2006, à l’université de Princeton, un workshop intitulé Science
at the Crossroads : Geopolitics, Marxism, and Seventy-Five Years of
Science Studies fait le bilan des percolations marxistes dans
les Science studies en
repartant du congrès de 1931 et des propositions de Boris Hesse. Gary
Werskey 39, « M. invisible
college »,envisage, à cette occasion, une chronologie de la longue durée
pour penser la critique marxiste des sciences capitalistes en ne se limitant
pas aux seules Science studies.
Sa communication sera finalement publiée dans la revue Science as Culture (haut lieu de la
« radicalité chic » STS), accompagnée de deux courts commentaires de
Steve Fuller 40 et
Christopher Hamlin 41.
On le voit, c’est d’abord dans l’espace historiographique que le marxisme fait
retour en hantant de nouveau les STS. D’une certaine manière, ce retour par
l’histoire de la discipline perpétue la dépolitisation des thèses marxistes sur
l’étude des sciences, puisqu’il constitue d’abord une prise de position
épistémologique (quelle part faire aux interprétations marxistes dans une
généalogie intellectuelle complexe ?). La critique sociopolitique du
marxisme est, dans cet exercice bénin d’autolégitimation patrimoniale, sinon
oubliée, du moins très largement minorée. Le spectre de Marx n’est plus ici
qu’une pâle image projetée sur un arbre généalogique dont on élève les branches
jusqu’à des pères fondateurs comme Hessen ou Zilsel. Toutefois,
c’est par la sociologie environnementaliste que la critique marxiste des
sciences a récemment retrouvé une certaine vigueur politique.
15. C’est contre ce readership que
Jacques Derrida s’insurge dans Spectres
de Marx. Bien qu’il ne se soit pas répandu sur son rapport à Marx – c’est qu’il tenait le
dogme en horreur et, parmi d’autres motifs, a longtemps tenu à marquer ses
distances avec la clique althussérienne –, il pointe l’inanité de
« l’injonction de Marx aujourd’hui ». Il n’est pas inutile de le citer longuement : « Ce qui risque d’arriver,
c’est qu’on tente de jouer Marx contre le marxisme afin de neutraliser ou
d’assourdir en tout cas l’impératif politique dans l’exégèse tranquille d’une
œuvre classée. On sent
venir une mode ou une coquetterie à cet égard dans la culture et plus
précisément dans l’université. […] Ce stéréotype récent
serait destiné, qu’on le veuille ou non, à dépolitiser en profondeur la référence marxiste, à faire de son
mieux, en offrant le visage de la tolérance, pour neutraliser une force
potentielle, d’abord en énervant un corpus,
en y faisant taire une révolte. […] Au nom d’un vieux concept de la lecture,
une telle neutralisation en cours [ici ?!] tenterait de conjurer un
danger : maintenant que Marx est mort, et surtout que le marxisme paraît
en pleine décomposition, semblent dire certains, on va pouvoir s’occuper de
Marx sans être dérangé. […] On va en traiter sereinement, objectivement, sans
partis pris : selon les règles académiques, dans l’université, en
bibliothèque, dans des colloques ! » 42.
Marx, donc, en « grand philosophe » pour philosophes ; Marx,
référence malléable pour les besoins intellectuels d’exégètes en pantoufles. Facile à dire, n’est-ce pas, surtout lorsqu’on dispose de l’autorité
d’un Derrida, déconstructeur crépusculaire ? Un mécanisme, tellement effectif dans les
champs de production intellectuelle, est néanmoins pointé : l’exorcisme,
la neutralisation, Marx fétiche pour lector. Cependant,
loin de nous la tentation d’en revenir à Marx sans y réfléchir à deux fois. Il
n’est pas certain, par exemple, que nous soyons prêts à tirer toutes les
conséquences pratiques de la critique marxiste des technosciences, à
faire nôtre le marxisme « vulgaire » d’un Boris Hessen, à abonder
dans le sens politique de la sociologie soviétique des sciences, à citer Mao
dans le texte. Ce que nous interrogeons en revanche, sans cacher d’ailleurs nos
partis pris et notre manque de sérénité, c’est l’endogénisation d’un discours « critique » des STS,
lesquelles s’illusionnent dans leur pouvoir de transformation du monde :
« perfomativité », « traduction »,
« co-construction », combien de papiers n’ont-ils pas été commis en
ces noms ?
16. L’exercice de spectrologie auquel nous nous sommes livrés, dans
l’incomplétude qu’une enquête configurationnelle nous imposaient, donne à voir
la figure de Marx dans des incandescences variables. Les STS, dans leurs débuts
frondeurs et radicaux, ont puisé aux sources du marxisme les éléments d’une
critique argumentée de la science comme forme constituée de la domination.
Reprenant le fil d’une historiographie des sciences, marxiste en pointillés
depuis les années 1930, Shapin, Schaffer et même Latour éprouvent la matrice
théorique développée par Marx jusqu’au début des années 1980. Puis, cherchant
la légitimité académique autant qu’épistémologique, les STS ont composé avec un
marxisme mezza voce, puis murmuré avant d’être oublié. Les discussions
autour de la question des machines et du déterminisme
technologique emblématisent ce revirement progressif : d’abord
centrales, la notion de rapport de force et la puissance politique subversive
de Marx sont contournées, amodiées, et finalement « retournées ». Le
marxisme cesse même, tout au long des années 1990, de nourrir un discours critique sur les sciences (qui
par ailleurs n’existe presque plus). Devenues un espace épistémique consacré
(en témoignent la création de départements spécifiques sur les campus
américains, et l’implantation des thèses ANT en France), les STS délaissent,
dans une rationalisation scolastique subreptice, les références critiques et
les positions politiques radicales. En phase avec les valeurs néolibérales qui
structurent l’horizon sociopolitiques de la fin du xxe siècle, la doxa STS propose une vision irénique du monde
scientifique, dans laquelle les controverses sont les seules formes
d’opposition légitimes. C’est une critique sociale de la skholè STS
qu’il serait peut-être bon d’engager. Pierre Bourdieu, pas à une pique près sur
les théoriciens californiens, en livre l’épure dans ses Méditations
pascaliennes : « Cas idéaltypique [de la raison scolastique],
l’université de Californie à Santa Cruz [équivalent de celle de San Diego, où
les STS ont fait souche dans les années 1980], haut lieu du mouvement
“postmoderniste”, archipel de collèges dispersés dans une forêt et qui ne
communiquent que par Internet, a été construite dans les années soixante, au
sommet d’une colline, à proximité d’une station balnéaire pour retraités aisés,
sans industries : comment ne pas croire que le capitalisme s’est dissous
dans un “flux de signifiants détachés de leurs signifiés”, que le monde est
peuplé de “cyborgs”, “cybernetic
organisms”, et que l’on est entré dans l’ère de l’“informatics of domination” lorsque l’on vit dans un petit
paradis social et communicationnel, d’où toute trace de travail et
d’exploitation a été effacée ? » 43.
17. Le retour du refoulé, à la faveur d’une décennie 2000 marquée par
les premiers accents critiques, s’accompagne d’une redécouverte opportune (et
opportuniste) d’un marxisme réactivé d’abord dans l’historiographie (le plus
sûr moyen de tenir à distance les charges subversives dont il est
potentiellement porteur). Si Marx est un spectre qui hante les STS, c’est au
sens d’une hantise de voir contester les fondements institués d’une
« discipline » initialement associée à l’exercice d’une critique radicale
des pouvoirs. Le
spectre de Marx nous regarde donc, sans trembler, faire (collectivement) des
usages plus ou moins renouvelés de ses projections et de ses représentations.
Nous portons (nous, jeunes chercheurs) une responsabilité dans la réévaluation
qui préside à tout travail socio-historique. « Les parents ont mangé les
raisins verts et les enfants en ont eu les dents agacées » (Livre d’Ézéchiel, XVIII, 2) ;
le péché originel des STS est une chance pour (re)formuler un projet
scientifique appuyé sur une réflexivité politique rigoureuse. Le marxisme, dans
cette perspective, n’est pas seulement une ressource historiographique commode,
parant d’un label de radicalité confortable n’importe quelle démarche un tant
soit peu critique. Il donne matière à penser les articulations de nos pratiques
socio-historiques toujours à renouveler aux enjeux politiques que nous
traversons autant qu’ils nous traversent.
Notes
1 William T. Lynch, Elisworth,
R. Fuhrman, « Recovering and Expanding the Normative : Marx and
the New Sociology of Scientific Knowledge », Science,
Technology & Human Values, vol. 16, n° 2, 1991,
p. 233-248.2 David Bloor, Knowledge
and Social Imagery, Londres, Routledge & Paul Kegan, 1976.3 William T. Lynch, Elisworth,
R. Fuhrman, op. cit., p. 240-241.4 Ibidem, p. 242-244.5 Michael Lynch, « Going Full Circle
in the Sociology of Knowledge : Comment on Lynch and Fuhrman », Science,
Technology, & Human Values, vol. 17, n° 2, 1992,
p. 228-233.6 William T. Lynch, Elisworth,
R. Fuhrman, « Ethnomethodology as Technocratic Ideology :
Policing Epistemic Boundaries », Science, Technology, & Human Values,
vol. 17, n° 2, p. 234-236.7 Gary Werskey, « The Marxist
Critique of Capitalist Science : A History in Three
Movements ? », Science as Culture, vol. 16,
n° 4, 2007, p. 443.8 Steven Shapin, art. cit., p. 357.9 Sur ces trois points, nous nous
permettons de renvoyer à Jérôme Lamy, « Penser les rapports entre sciences et
politique : enjeux historiographiques récents », Cahiers
d’histoire. Revue d’histoire critique, n° 102,
octobre-décembre 2007, p. 9-32.10 L’ANT a été
formulée en une série d’ouvrages et d’articles dont on peut citer les
principaux : Bruno Latour, Steve Woolgar, La vie de
laboratoire. La production des faits scientifiques, Paris, La
Découverte, 1988 ; Michel Callon, (éd.), La science et ses réseaux. Genèse et
circulation des faits scientifiques, Paris, La Découverte, Conseil
de l’Europe, UNESCO, 1989 ; Michel Callon, « Éléments pour une
sociologie de la traduction. La domestication des coquilles Saint-Jacques et
des marins-pêcheurs dans la baie de Saint-Brieuc », L’Année
sociologique, vol. 36, 1986, p. 169-208 ; Michel
Callon, Bruno Latour, (éd.), La science telle qu’elle se fait. Anthologie
de la sociologie des sciences en langue anglaise, Paris, La
Découverte, 1991 ; Bruno Latour, Nous n’avons jamais été modernes. Essai
d’anthropologie symétrique, Paris, La Découverte, 1991 ; Bruno
Latour, L’espoir de Pandore. Pour une vision réaliste
de l’activité scientifique, Paris, La Découverte, 2001 ; Bruno
Latour, La science en action. Introduction à la
sociologie des sciences, Paris, Gallimard, 1995 ; Bruno
Latour, Pasteur : guerre et paix des microbes,
[suivi de]Irréductions, Paris,
La Découverte, 2001 ; Bruno Latour, « Les « vues » de
l’esprit. Une introduction à l’anthropologie des sciences et des
techniques », Culture technique, n° 4,
1985, p. 5-29 ; Bruno Latour, Changer la société. Refaire de la sociologie,
Paris, La Découverte, 2006.11 Simon Schaffer, « The Eigtheenth Brumaire of Bruno Latour », Studies in
History and Philosophy of Science, vol. 22, 1991,
p. 174-192.12 Dominique Pestre, 2004, « Thirty Years of Science Studies :
Knowledge, Society and the Political », History and
Technology, vol. 20, n° 4, p. 366 ; Luc
Boltanski, Ève Chiapello, Le nouvel
esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999, p. 208-238.13 Cf. Francis Chateauraynaud, « Force
et faiblesse de la nouvelle anthropologie des sciences », Critique,
n° 529-530, 1991, p. 459-478.14 Michael Gibbons, Camille Limoges, Helga
Nowotny, Simon Schwartzman, Peter Scott, Martin Trow, The new
production of knowledge. The dynamics of science and research in contemporary
societies, Londres, Sage Publications, 1994.15 Loet Leydesdorff, Henry Etzkowitz, « Emergence of a triple
helix of university-industry-government relations », Science and Public Policy,
vol. 23, 1996, p. 279-286 ; Henry Etzkowitz, Loet Leydesdorff,
« The future location of research : a triple helix of
university-industry-government relations II », EASST Review,
vol. XV-4, 1996, p. 20-25 ; Henry Etzkowitz, Loet Leydesdorff
(eds.), A Triple Helix of
University-Industry-Government Relations : The Future Location of
Research ?, New York, Science Policy Institute, State
University, 1998 ; Loet Leydesdorff, Henry Etzkowitz, « Technology
innovation in a triple helix of university-industry-government relations, Asia
Pacific tech », Monitor, vol. 15-1, 1998,
p. 32-38 ; Loet Leydesdorff, Henry Etzkowitz, « The Triple Helix
as a model for innovations studies », Science and Public Policy,
vol. 25, 1998, p. 195-203 ; Henry Etzkowitz, Loet Leydesdorff,
« The endless transition : a « triple helix » of university-industry-government
relations », Minerva, vol. 36, 1998,
p. 203-208 ; Loet Leydesdorff, Henry Etzkowitz, « Triple Helix
of innovation : introduction », Science and Public Policy,
vol. 25, 1998, p. 358-364 ; Loet Leydesdorff, Henry Etzkowitz,
« Emergence of a Triple Helix of university-industry-government
relations », Science and Public Policy,
vol. 23, 1996, p. 279-286 ; Loet Leydesdorff, Henry Etzkowitz,
« Le “Mode 2” et la globalisation des systèmes d’innovation “nationaux”. Le modèle de la triple hélice des
relations entre université, industrie et gouvernement », Sociologie
et Sociétés, vol. XXXII-1, 2000, p. 135-156.16 Ibidem, p. 146.17 Ibidem, p. 140.18 D. Bloor, op. cit.,
p. 9.19 Bruno Latour, La science
en action. Introduction à la sociologie des sciences, Paris,
Gallimard, 1989.20 Bruno Latour, Nous n’avons
jamais été modernes. Essai d’anthropologie
symétrique, Paris, La Découverte, 1991.21 Bruno Latour, Politiques
de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie,
Paris, La Découverte, 1994.22 John Bellamy Foster, Marx
écologiste, Paris, Éditions Amsterdam, 2011.23 Ibidem, p. 10.24 Ibidem, p. 12.25 Ibidem, p. 15-16.26 Ibidem, p. 19.27 Ibidem, p. 21.28 Ibidem, p. 37.29 Ibidem, p. 39.30 Ibidem, p. 73.31 Ibidem, p. 79.32 Ibidem, p. 80.33 Ibidem, p. 83.34 Ibidem, p. 83.35 On se réfèrera notamment à John Bellamy Foster, Marx’s Ecology. Materialism and
Nature,
New York, Monthly Review Press, 2000.36 Paul Burkett, John Bellamy Foster,
« Metabolism, energy, and entropy in Marx’s critique of political
economy : Beyond the Podolinsky myth », Theory and
Society, vol. 35, n° 1, 2006, p. 109-156 ; Paul
Burkett, « Marx’s reproduction schemes and the environment », Ecological
Economies, vol. 49, 2004, p. 457-467 ; John Bellamy
Foster, Paul Burkett, « Classical Marxism and the Second Law of
Thermodynamics. Marx/Engels, the Heat Death of the Universe Hypothesis, and the
Origins of Ecological Economics », Organization & Environment,
vol. 21, n° 3, 2008, p. 3-37 ; John Bellamy Foster, Paul
Burkett, « The Dialectic of Organic/Inorganic Relations »,Organization & Environment,
vol. 13, 2000, p. 403-425.37 La situation est un peu différente dans
le domaine des sciences politiques. Dans son ouvrage Capitalism,
Democracy, and Ecology. Departing from Marx (Chicago, University of
Illinois Press, 1999), Timothy W. Luke rapproche les « assemblées
hybrides » de Latour (composées d’humains et de non-humains) des
propositions de Marx concernant les marchandises simultanément réelles,
narratives et collectives (Ibidem,
p. 38-39). Il juge toutefois que Marx fournit une critique des réflexions
de Latour sur la notion de collectivisation (collectivization)
(Ibidem, p. 39). Mais Marx
condamne les effets destructeurs de cette association des individus et des
agents (Ibidem,
p. 39-40).38 Edgar Zilsel, The Social Origins of Modern Science,
Dordrecht, Kluwer Academic Publisher, 2001. Ce recueil reprend les principaux textes socio-historiques de
Zilsel ; il est précédé d’une introduction conséquente rédigée par
Diederick Raven et Wolfgang Krohn, qui ont permis la republication, en 2000, de
l’article emblématique de Zilsel : « The sociological roots of
science », Social Studies of Science,
vol. 30(6), 2000, p. 935-949, initialement paru dans The American
Journal of Sociology, vol. 47, 1942, p. 544-562.39 Gary Werskey, « The Marxist
Critique of Capitalist Science : A History in Three
Movements ? », Science as Culture, vol. 16,
n° 4, 2007, p. 397-461.40 Steve Fuller, « Learning from
Error : An Autopsy of Bernalism », Science as Culture, vol. 16,
n° 4, 2007, p. 463-466.41 Christopher Hamlin, « STS : Where the Marxist Critique
of Capitalist Science Goes to Die ? », Science as
Culture, vol. 16, n° 4, 2007, p. 467-474. Hessen continue d’être la figure polarisante de ce retour
marxiste : le texte d’Harold Dorn, « Science, Marx and History :
Are There Still Research Frontiers ? », Perspectives
on Science, vol. 8, n° 3, 2000, p. 223-254, procède
ainsi à une nouvelle évaluation des écrits d’histoire des sciences marxistes
pour penser à nouveaux frais les frontières de la recherche.42 Jacques Derrida, op. cit.,
p. 60-61.43 Pierre Bourdieu, Méditations
pascaliennes, Paris, Le Seuil, 1997, p. 52-53.