Jacques Bidet |
Je me propose de présenter ici quelques éléments introductifs à un livre
que je suis en train d’achever d’écrire, Explication et reconstruction du Capital de
Marx
[1]. La théorie exposée dans
Le Capital, considérée à juste titre comme la pièce maîtresse
de l’héritage marxien, demeure, à mes yeux, essentielle pour l’interprétation
de notre monde. Mais elle comporte certaines déficiences principielles. Et ce
monde s’est lui-même transformé - et il continue à le faire dans le procès de
la mondialisation - d’une façon dont elle n’était pas pleinement en mesure de
rendre compte.
Elle dispose
pourtant, à l’usage des temps nouveaux, d’un potentiel cognitif (et politique)
inexploité, que cette reconstruction voudrait mettre au jour. Le travail de
« reconstruction » diffère d'autres opérations réalisées sur Le
Capital ou à partir de lui : applications empiriques, développements,
corrections, réinterprétations et lectures. Il vise à reconfigurer
radicalement l’analyse du capitalisme et la perspective du communisme
[2].
L’idée de
reconstruction: ni une exégèse, ni une interprétation
Le marxisme classique
et sa division du travail
Le parcours du marxisme n’est pas à lire comme une simple
histoire des idées, mais comme un mouvement historique dans lequel la
production théorique se conçoit explicitement comme intervention pratique. Pour
autant qu’il a pris la forme de la pensée d’un « parti » - au sens
ancien et diffus du terme, qui vaut pour l’ensemble des groupes, courants et
personnes qui s’en sont réclamés y compris en dehors de tout parti organisé -,
le marxisme s’est conçu comme une œuvre collective. Et il a, dans ce contexte,
donné lieu à une certaine division du travail. Du fait que Le Capital implique et intègre diverses
sortes de savoir, on a pu voir respectivement les philosophes se concentrer sur
la philosophie qu’il véhicule, les économistes le lire en économistes, les
sociologues l’utiliser en sociologues. Ces diverses lectures ne s'ignoraient
pas nécessairement l'une l'autre. Mais le développement du travail sous le
signe de la division entre les disciplines entrait pourtant en tension avec le
fait que Le Capital est une
œuvre théorique d'un type singulier. Il s'agit certes d'un projet d'économie,
mais non d'économie pure : Marx, pionnier des hétérodoxies contemporaines,
inscrit la théorie économique dans le contexte d’une approche en termes de
« science sociale », plus précisément, il traite du capitalisme dans
le cadre de la forme spécifiquement moderne de société, et cela sur fond de
schèmes d'analyse issus de la philosophie politique classique. L’objectif de la
reconstruction de reprendre le travail à ce niveau d’intégration théorique qui
concerne tout à la fois la philosophie politique et juridique, les concepts
premiers d’une économie et d’une théorie sociale, au niveau qui est celui de
Marx. Il s’agit donc ni simplement d’une interprétation, ni simplement d’une
exégèse ou d’une réélaboration philosophique.
Il existe deux axes d’interprétations du Capital :
l’interprétation en exploitation, la plus classique, centrée sur les catégories
d’extorsion et d’accumulation, etl’interprétation en abstraction centrée
sur celles de réification, de perte de sens, qui a trouvé dans le contexte de
l’Ecole de Francfort une expression particulièrement forte.
La première est davantage utilisée par les économistes, par
certains historiens. La seconde plus volontiers par les philosophes. La
sociologie s’inspire volontiers de l’une et de l’autre. La première, axée sur
la « classe ouvrière », ou sur le couple capital /travail, peut
sembler en partie datée. Sa puissance rémanente tient à son orientation vers
l’analyse des procès d’accumulation et de domination, plus que jamais
d’actualité. La seconde est plus universaliste, tournée vers le couple capital
/humanité (ou « multitude »), se connecte tout naturellement à des
analyses politiques et culturelles.
Ces deux interprétations ne sont nullement exclusives, et
les formes les plus significatives du marxisme, comme celle de Gramsci,
procèdent de l’une et de l’autre. Elles se font mutuellement référence. Des
thématiques comme celle de « l’aliénation » assurent
traditionnellement le passage de l’une à l’autre. La fixation exclusive sur les
thèmes de la première peut être un symptôme d’orthodoxie figée. La déclaration
du choix alternatif de la seconde contre la première équivaut à un abandon du
« marxisme » (en tant que critique radicale du capitalisme), ou à un
usage très affaibli de son potentiel théorique. Elle se donne souvent dans les
termes du rejet de la théorie marxienne de la valeur, dite
« valeur-travail ». Les interprétations qui se donnent comme
« nouvelles » constituent le plus souvent de variantes de la seconde.
L’un des usages les plus manifestes qui soit aujourd’hui
fait du marxisme concerne la critique de la « mondialisation
néo-libérale » qui inspire les luttes pour une « autre
mondialisation ». Il est clair qu’ici se croisent à nouveau les deux
lignes d’interprétation. La problématique de la financiarisation de l’économie
tend à l’analyse des conditions dans lesquelles les capitaux recherchent
aujourd’hui la maximisation de leur taux de profit à travers un procès
d’exploitation de plus en plus universalisé, qui prend appui sur la puissance
des centres impérialistes. Cette recherche capitaliste du profit n’est pas
seulement celle d’une « richesse abstraite », accumulation de
pouvoirs effectifs sur les moyens de produire et sur les producteurs. Mais elle
tend, dans cette logique et avec cette finalité inhérente, à la marchandisation
de toute forme de production (notamment de celles qui avait fait leurs preuves
sous forme de services publics), de tout nouvel objet possible de production
(de l’internet aux bio-technologies), de tout élément de la culture ; elle
tend, à travers la publicité et les techniques de vente, à s’emparer du désir
lui-même, du rapport au corps, à l’habitat, à notre environnement. Tel est le
« mauvais infini », qui menace les conditions écologiques de la
survie commune. Cette simple évocation voudrait suggérer que le marxisme n’a
pas fait son temps. Il doit pourtant s’interroger sur lui-même, et sur les
limites sur lesquelles il a butté. Et je voudrais montrer pourquoi les travaux
de réélaboration philosophique auxquels il a donné lieu, pour importants qu’ils
soient, ne remplissent qu’une partie de cette tâche.
Il existe deux sortes
de lectures philosophiques du Capital
Les unes sont des transpositions en un autre code
philosophique, notamment analytique, phénoménologique, éthique, voire
théologique. Elles peuvent marquer un « retour à Marx », un passage -
changement de paradigme - de Hegel à Spinoza (ou à Deleuze).
Certains codes se révèlent plus adaptés à certaines interprétations, comme ceux
de la philosophie analytique, par exemple, le sont à l’interprétation en
exploitation. Reste à examiner dans chaque cas dans quelle mesure et de quelle
façon elles atteignent, éclairent ou affectent le contenu théorico-social
spécifique du Capital.
Les autres
sont des recherches portant sur l’instrumentarium philosophique marxien,
lu notamment dans le parcours de l’œuvre, et surtout à travers les brouillons
et versions successives du Capital. Elles contribuent souvent à
clarifier le travail qui s’opère d’une version à l’autre : à manifester
des progressions, des régressions ou des renoncements, à élucider le bien-fondé
de l’abandon de diverses catégories et arguments. Il arrive qu’elles se vouent
à la recherche d’une vérité (perdue) du Capitaldans ses versions
antérieures ; et, selon moi, elles tendent alors le plus souvent à s’y
perdre elles-mêmes, prenant pour accomplissement théorique tout le travail
d’expérimentation des philosophèmes hégéliens par lequel Marx tente d’avancer
la construction de son objet.
Ces deux sortes de lectures se sont notamment développées
depuis les années 30, stimulées par la publication des écrits de jeunesse.
Elles ont pu naguère militer en faveur de la première interprétation (en
exploitation) ; elles travaillent aujourd’hui de plus en plus en faveur de
la seconde (en abstraction). Les premières, orientées vers le transcodage,
communiquent avec le travail de philosophes qui ne se définissent nullement
comme marxistes (voir Michel Henry), mais trouvent un intérêt au marxisme. Les
secondes, qui relèvent de l’exégèse, sont davantage l’œuvre de chercheurs
spécialisés dans le champ marxologique : par définition, elles sont
nouvelles, la « nouveauté » étant le critère de la productivité
professionnelle du chercheur.
Ce labeur philosophique est par essence infini. Et l’on ne
peut préjuger de ses résultats. Son défaut, notamment du côté de l’exégèse, est
cependant souvent, du fait de la fragmentation (notamment linguistique) du
champ, la répétition, sous forme de redécouverte, d’interprétations déjà
proposées.
La « reconstruction » du Capital doit
naturellement s’instruire auprès des interprétations, des lectures et des
exégèses. Et elle est de nature à relancer ces recherches, dont elle participe.
Mais elle vise un tout autre objectif. Il ne s’agit plus seulement de savoir ce
que Marx a voulu dire, mais ce qu’il aurait dû écrire pour que
sa théorie soit adéquate à son objet : la société capitaliste moderne et
la perspective de sa transformation.
L’idée de
reconstruction structurale-dialectique du Capital
On cherche de divers côté à revaloriser la dialectique de
Marx à travers ses filons hégéliens. On méconnaît cependant souvent le fait que
Marx est un essayiste en même temps qu’un théoricien : un expérimentateur
théorique, qui s’empare de tout instrument conceptuel disponible, l’explore en
tous sens et finit par « laisser tomber », sans commentaire, ce qui
ne lui convient pas. Travail perpétuel et inachevé. On ne peut donc prendre ses
tentatives successives de formulation dialectique comme nécessairement
adéquates à l’objet qu’il poursuit. Et il faut, plus généralement, reconsidérer
la question dialectique.
Les lectures hégélianisantes sont en effet diverses.
Particulièrement significative est celle qui s’appuie sur la logique de
l’essence, laquelle peut en effet convenir aux deux
« interprétations » citées ci-dessus. Elle donne un langage radical à
la description du capitalisme comme procès perpétuel d’extorsion, d’aliénation
et d’accumulation. Les plus ardents dialecticiens s’enthousiasment de voir
ainsi le capital rigoureusement décrit comme un « automate », comme
le vampire universel, dont le dernier mot est mondialisation. Ce radicalisme de
la critique du capitalisme donne pourtant trop souvent la preuve de son manque
de radicalité dans la faiblesse des propositions sur lesquelles il débouche, et
qui se ramènent parfois à l’idée qu’il faut imposer quelques règles au marché
international.
Le propre des approches que je nomme
« dialecticiennes » est de laisser croire que, lorsque l’on a réussi l’exercice
dialectique sur les concepts du Capital, on a rendu compte de son contenu
propre, et développé une théorie empiriquement pertinente. Hegel a parfaitement
réussi la mise en forme « dialectique » de la famille dans sa Philosophie
du Droit. Mais qui se risquera à avancer qu’il s’agit bien là d’une voie
féconde pour une théorie de la famille moderne ? Je critique pour ma part
cette approche en automate comme non dialectique, et non politique. Il n’y a en
effet dialectique que par la co-implication des contraires, que ne permet pas
de concevoir le schème de la « machine automatique ». Et c’est, comme
je voudrais le montrer, à Marx lui-même qu’il manque d’envisager expressément
le couple de contraires ici pertinent - « marché /organisation »,
« liberté des Modernes/ liberté des Anciens » -, ou qu’il manque de
l’envisager de façon adéquate, c’est-à-dire dialectique. La dialectique du même
et de l’autre a partie liée avec l’identité de l’économie et de la politique.
Mais, pour reprendre la théorie en termes dialectiques, il faut partir d’une
base conceptuelle élargie.
La question théorique et politique du commencement en est en
effet le premier test. Le commencement de la théorie, qui commande l’ordre
du développement ultérieur, désigne en même temps le point obligé de référence
d’une politique argumentable, qui ne peut se donner comme telle que si elle
fournit la preuve qu’elle « reprend les choses par le commencement ».
On sait ce qu’il en est de la question théorique de
l’ordre d’exposition. Les concepts ne peuvent être introduits que dans l’ordre
dans lequel ils se présupposent. On ne peut parler de la
« survaleur » (ou plus-value, au sens marxien) sans une théorie,
marxienne, de la « valeur ». Par ailleurs, certains ensembles de concepts
se présupposent mutuellement : ils font l’objet d’une unité d’exposé.
Exemple : la théorie de la production marchande en général, objet global
de la Section I du Livre I. Il y a ainsi des « épisodes » successifs
d’exposé. Et on ne peut identifier cet ordre de présupposition logique à
un ordre de présupposition réelle. Il n’y pas d’ordre marchand universel si ce
n’est dans le capitalisme accompli. En d’autres termes, le règne effectif de la
valeur suppose celui de la survaleur. Le capital est le présupposé réel de la
valeur, qui est son présupposé logique. Il reste que Le Capital de Marx, selon son ordre logique, commence par la
valeur, c’est-à-dire par le marché comme logique sociale de production.
L’ordre logique est celui à partir duquel on peut
s’interroger sur l’ordre réel. Il est en effet celui qui donne
intellectuellement accès à la forme structurelle de la société, et
par là à l’éventail des potentialités qui lui sont inhérentes. Il est
donc, en même temps aussi, celui qui permet un discours public, rationnellement
contrôlable dans la communauté « scientifique », faite de toutes les
personnes concernées, les humains des temps modernes. Cet ordre logique est
celui qui permet une distance critique à son égard. Il constitue donc aussi un ordre
politique. L’argumentation publique doit en effet faire constamment la preuve
qu’elle « prend les choses par le commencement ». Elle ne s’absorbe
pas dans l’obsession du début, mais elle ne se développe que dans la cohérence
à cette référence.
Il y a chez Marx, comme chez Hobbes, Rousseau, Kant, Hegel,
Weber, et d’autres, un effort titanesque, théorique et politique, de cette
recherche du commencement. Avec des apports décisifs, irréversibles. Mais aussi
des faiblesses, qui font corps avec celles de sa théorie, et du marxisme en général.
Faiblesses qu’il importe d’identifier et de corriger.
C’est
pourquoi il faut reconstruire à partir du commencement. Les philosophes
n’ont fait jusqu’à présent qu’interpréter, diversement, Le Capital. Il est temps de le
transformer à partir de son commencement. Que cela ait quelque chose à voir
avec la transformation du monde, on en jugera à la fin.
La
reconstruction à partir du commencement
L’ordre
« logique » et l’ordre « politique »
Le Capital se
développe selon un impératif d’ordre logique. Il y a sur ce sujet un assez
large accord. J’ai montré
[3] comment Marx ne parvient que très
progressivement à son point de départ, la marchandise, c’est-à-dire la logique
de la production marchande en général. A partir de ce point initial, l’exposé
suit un cours complexe, riche de discontinuités, envisageant tour à tour divers
niveaux structurels, les mécanismes économiques qui s’y déploient, les
tendances historiques qui s’y rattachent, les concepts juridico-politiques
qu’ils impliquent, ainsi que les représentations idéologiques auxquelles ils
donnent lieu, etc. Cette construction en trois livres reste un immense
chantier.
Une division décisive, à laquelle je me limiterai ici,
concerne le clivage entre la Section 1 du Livre I, consacré à « la
marchandise », et le reste de l’ouvrage, consacré au
« capital ». La première esquisse, les Grundrisse, divisait
l’ensemble de l’exposé en deux parties : le « chapitre de
l’argent » et le « chapitre du capital ». La progression du
travail a conduit Marx à abréger la première partie, à la concentrer dans cette
Section I. Cela n’enlève rien à l’importance de cette division première, dont
l’enjeu est de savoir quel rapport le marché entretient avec le capitalisme,
c’est-à-dire aussi avec une alternative au capitalisme. Et le marché mondial
avec une autre sorte possible de société humaine.
Mais l’écriture théorique est aussi un acte politique. On
est ainsi conduit à une lecture « pragmatique » : à analyser
l’oeuvre théorique comme intervention historique. La « stratégie »
est ici le maître-mot. Elle s’inscrit sur le terrain de l’exposé logique et de
ses contraintes. Mais elle s’emploie à les contourner.
Marx entend montrer, contre tous les réformistes et
contre Proudhon en premier lieu, qu’on ne peut abolir le capitalisme sans
abolir le marché. Il y a, on le sait, une contrainte théorique à commencer par
le marché : on ne peut parler de la survaleur sans avoir élaboré une
théorie de la valeur. La visée politico-théorique de Marx ne peut donc se faire
valoir qu’à l’intérieur de cette contrainte. Elle le pousse cependant à se comporter
d’une façon assez singulière. Dont je propose une lecture symptômale, qui
envisage, dans son unité, un ensemble d’anomalies, qui concernent toutes la
nature de cet objet théorique « marchandise et la monnaie » dont il
dit partir - et qui donne son titre à la Section I - et à partir de quoi se
décide le rapport entre le « marché » et le
« capitalisme ».
Anomalies de l’exposé
du Capital
Première anomalie. Marx, dans le premier chapitre, ne
parle censément que de « marchandise ». Il fait comme si on pouvait parler
de la marchandise sans parler du marché. Comme si l’on pouvait
parler de l’élément sans parler de la relation, ou de l’ensemble structurel qui
le constitue. En réalité pourtant, les catégories qu’il construit et
met en œuvre sont celles mêmes de la structure marchande en général.
C’est ce qui, en général, n’échappe pas aux économistes (même s’ils restent
trop souvent insensibles à la dimension juridico-politique de la question).
Cela, pourtant, tout lecteur devrait le comprendre, sachant aussi que Marx
souligne en même temps que la « marchandise » dont il parle n’est pas
chose, mais « rapport social ». Il est donc paradoxal qu’il n’en
parle jamais qu’une analyse de la « marchandise ».
Deuxième anomalie. Il prétend régulièrement ne
parler, dans cette première section, que de la circulation marchande
(c’est-à-dire de rapports d’échange). En réalité pourtant, les
concepts qu’il met en œuvre sont les concepts de la production marchande
en général. On trouve dans cette première section, aux chapitres 1 et 3, toutes
les catégories de la concurrence dans la branche, entre branches, le couple
« prix de marché / valeur », qui sont les constituants du concept
même de production marchande en général. Bref, il fait proprement une théorie
de la production en prétendant s’en tenir au seul niveau de la circulation.
Troisième anomalie. Il parle constamment de contradictions. En
réalité pourtant, il présente, et avec une extraordinaire virtuosité
d’analyse, les processusfonctionnels qui forment dans leur cohérence le
schéma rationnel de la société marchande, et à partir desquels précisément se
profilent les contradictions potentielles de celle-ci. La fameuse
« expression de la valeur en valeur d’usage » est exactement le
contraire d’une contradiction : on peut montrer qu’elle définit la
rationalité même du rapport marchand
[4]. Marx parle de la « beauté » du
marché
[5] au sens où Hayek définit le marché
comme une « merveille ». Avec, certes, l’ironie en plus, qui désigne,
dans la forme fonctionnelle, la contradiction potentielle. Celle-ci pourtant ne
supprime pas celle-là, par quoi elle subsiste (et il apparaîtra par la suite que
seuls les rapports proprement capitalistes réalisent les potentialités de cette
construction).
Quatrième anomalie. Marx fait d’abord, dans le
premier chapitre, comme si l’on pouvait parler des marchandises sans
parler des agents, lesquels n’apparaissent qu’au second chapitre, intitulé
« Des échanges », et qui commence par cette boutade célèbre :
« Les marchandises ne peuvent point aller elles-mêmes au marché ni
s’échanger elles-mêmes entre elles. Il nous faut donc tourner nos regards vers
leurs gardiens et conducteurs, c’est-à-dire vers leurs possesseurs ». En
réalité pourtant, depuis le début, en faisant se rapporter des choses, ou
plutôt des catégories, les unes aux autres, voire en les faisant parler entre
elles, Marx décrit constamment despratiques individuelles et leurs
logiques. Mais tout se passe comme s’il ne voulait pas le savoir.
Cinquième anomalie. Il se cantonne censément à partir
de là à un discours sur les échangistes. En réalité pourtant, depuis
le début, il traite des producteurs-échangistes en général. Le
premier chapitre traite en effet principalement du travail marchand,
et dans sa pointe extrême, la théorie du fétichisme, il décrypte, sous la
forme de l’échange de choses ayant valeur, un processus de permutation entre
producteurs de leurs temps de travail.
La stratégie
d’écriture de Marx et sa signification théorique
L’analyse de ces anomalies révèle une stratégie politique
d’écriture. Marx découvre (invente) et assume la contrainte théorique de parler
du marché avant de parler du capital. Et cette contrainte d’ordre concerne
aussi la politique, dans son rapport à la théorie. Mais on voit que Marx biaise
avec elle. Et il faut se demander pourquoi, et avec quels effets théoriques et
politiques. Ceux-ci sont, à mes yeux, de grande portée historique.
Ils font corps avec les « déficiences principielles » que j’évoquais
en introduction. Et ils exigent que la question soit reprise par le début.
Chacune de ces anomalies mérite d’amples analyses. Je me
limiterai ici à la quatrième, celle qui fait soudain débarquer les échangistes,
au début du chapitre II, après que l’on n’ait censément parlé que des marchandises :
des échangistes dont les rapports ne sont censément que le « reflet »
des rapports entre choses. Je me limiterai à la célèbre première page de ce
chapitre 2, dont je me propose d’expliquer les termes extraordinairement
ramassés.
Marx reprend ici expressément l’analyse de l’échange
proposée par Hegel, aux §§ 72 et 73 de la Philosophie du Droit. 1/ La
personne n’existe concrètement que dans la propriété des choses, qui est le
pouvoir d’en user selon ses besoins : sa volonté est en elles (voir §§ 41
et 59). 2/ La diversité des besoins appelant à l’échange, la propriété se
développe dans le contrat. 3/ Qui est à comprendre comme l’union de deux
volontés distinctes, qui se reconnaissent mutuellement.
Vient l’interprétation de Marx. « Ce rapport juridique
(…) n’est que le rapport des volontés dans lequel se reflète le rapport
économique lui-même ». Le rapport juridique est désigné comme un rapport
de volontés. Mais celui-ci n’est qu’un « reflet ». Mais qu’est-ce
qu’un reflet ? L’explication en est fournie à la phrase qui suit :
« son contenu est donné par le rapport économique lui-même ». Mais
qu’est-ce que le « rapport économique » ? La réponse est dans la
note, qui nous réintroduit dans le contexte de la production marchande :
il s’agit des « rapports juridiques qui ont leur origine dans la société
basée sur la production (je souligne, mais le mot est répété deux
fois dans la phrase) marchande ». Le rapport économique est donc ce qui a
été décrit, fût-ce indirectement, dans le premier chapitre, qui traite des
rapports marchands de production. Le rapport des volontés se reflète donc
dans le rapport juridique en ce que son contenu est déterminé par le rapport
économique, c’est-à-dire par la structure marchande de production.
Comment
comprendre la connotation passive qui s’attache au statut des personnes,
lesquelles ne sont censément que « reflets »,
« représentants » des rapports économiques ? Ce n’est pas
qu’elles soient inactives : ce sont bien elles, précise la note, qui
« mettent certaines choses en rapport entre elles comme
marchandises ». Avec la liberté de choix inhérente au rapport marchand.
Mais à cela se limite leur statut social : « elles n’existent les
unes pour les autres qu’à titre de représentants des marchandises ». La
contrainte de contenu qui pèse sur elles ne concerne pas la nature particulière
de la marchandise qu’elles échangent, mais le fait qu’elles ne se rapportent
les unes autres que par l’échange de marchandises. Leur est donc imposé un
« masque » de théâtre, soit une définition de leur rôle, telle que la
volonté qui s’affirme comme celle de la personne est « contenue »
dans une fonction déterminée, qu’elle ne font ainsi que personnifier. Et de
même en sera-t-il au cours de l’exposé quand on abordera des fonctions
ultérieurement déterminées.
Bref, toute l’analyse contenue dans ce fameux passage qui
ouvre le chapitre 2, tend à établir que la liberté marchande est enfermée dans
la contrainte à n’avoir d’autres rapports sociaux que marchands. Or voilà,
à mon sens, un raisonnement erroné. Tout simplement parce que la
proposition prêtée, à ce niveau de l’exposé, au producteur échangiste est
contradictoire. Celui-ci ne peut en effet déclarer libre son rapport échangiste
avec l’autre que s’il déclare la forme marchande elle-même comme libre,
c’est-à-dire posée par une volonté commune. C’est-à-dire non pas reçue comme
une loi, mais posée comme une règle, choisie contre l’autre règle, qui consiste
à déterminer, par une volonté sociale commune (un « acte volontaire
commun »), les fins et les moyens. Soit l’autre mode universel
rationnel de « division sociale » du travail. Le défaut de
liberté ne tient donc pas à la forme marchande elle-même, laquelle
implique, dialectiquement - pour autant qu’elle est supposée
« libre » -, son contraire. Pas plus qu’il ne tient à la forme organisée comme
telle, et pour les mêmes raisons. Il tient à ce que l’une ou l’autre est
représentée comme loi de nature (ou loi de raison), c’est-à-dire comme
s’imposant à la liberté. Et c’est effectivement cela qui tend à se produire
dans la structure capitaliste, pour autant que prévalent les forces
sociales qui mettent en avant et tentent d’imposer le marché comme loi
naturelle de toute activité. Mais l’analytique pure des rapports marchands, qui
est l’objet même de la section I, n’autorise pas une telle affirmation
« libérale ». Le rapport marchand pris dans son abstraction, en ce
qu’il constitue, comme le souligne la note de Marx, le lieu des
« idéaux » proclamés, où l’on ne connaît encore, comme il
y insiste, aucune classe sociale, mais seulement des « personnes »
qui se rapportent les unes aux autres, en tant que « libres et
égales », ce rapport marchand ne peut être enfermé en lui-même. Il ne se
soutient que de son rapport à son contraire : à une volonté commune libre,
qui se détermine collectivement. Et voilà cependant ce que l’exposé de Marx ne
laisse pas paraître.
On est maintenant en mesure de comprendre que la stratégie
d’écriture de Marx, préparée depuis le tout début de l’exposé, consiste à
définir d’abord un univers de choses, de rapports sociaux décrits dans leur
objectivité de structures contraignantes : les personnes débarquent ainsi
dans un monde marchand déjà constitué, dans lequel leur rôle est déjà défini.
Il lui faudra bien pourtant penser les voies de la constitution de la puissance
constituante de la multitude, le procès révolutionnaire (du fait du
développement d’un salariat nombreux, instruit et organisé par le procès même
de la production dans la grande entreprise). Mais cette façon de commencer, par
la pure aliénation dans la chose marchande, n’est pas adéquate à un tel propos
ni à un tel projet. Car ce commencement ne nous livre pas un marché
« adéquat à son concept ». Il lui manque de faire apparaître que le
concept de marché comme relation libre implique son contraire, la liberté
commune, qui si elle pose le marché comme libre (et elle seule le peut), est
par la même également capable de poser collectivement les fins et les moyens,
et leur mise en œuvre librement concertée. Telle est du moins l’une des thèses
du Livre I de Théorie générale, La métastructure.
Tout cela n’est, bien sûr, en effet, que
« métastructure » : c’est le moment inaugural de la fiction rationnelle
de référence à laquelle renvoie la forme moderne de société. Mais cette carence
de la métastructure affecte toute l’analyse de la structure de classe et du
système du monde. Voilà pourquoi, il nous faudra reconstruire l’exposé -
que Marx ouvre par son moment « métastructurel », celui qui ne
connaît pas encore de « structure » de classe, mais seulement des
individus dans leurs mutuelles relations et prétentions - sur une base plus
« large », et proprement dialectique.
Le « commencement » théorique, en effet, ne peut
être le seul marché. Et la procédure d’écriture qui introduit d’abord le marché
comme système de choses, choses sociales certes, c’est-à-dire rapports sociaux,
mais dans lesquelles émergent des individus qui n’en sont que les supports, a
des conséquences fâcheuses sur la suite de « l’intervention »
marxienne. Elle institue une pensée à deux pôles : hommes et choses. Un
couple métaphysique, selon lequel le rapport entre hommes est simplement renversé
en rapports entre choses. Jusqu’au triomphe final des hommes sur les
abstractions réelles. Ce n’est pas là une forme de pensée dialectique. Ce n’est
pas de cette façon que peut être conçu le fameux renversement que Marx se donne
pour objectif de penser. Car il n’existe d’abord rien qui soit pensable comme
la simpleliberté des agents sur un marché. Si Marx avait apporté autant de
rigueur à analyser la liberté moderne en général, ses contradictions et ses
présupposés, il aurait dès le début engagé une représentation
« dialectique ». Cette représentation, il la met effectivement en
oeuvre dans Le Capital, voir au
chapitre X, dans sa description des luttes de classe, du mouvement historique.
Et, en un sens, nul n’est allé plus loin que Marx dans la formulation
dialectique et réaliste des procès d’émancipation. Mais ces avancées, qui ont
constamment inspiré le « marxisme », demeurent en partie brouillées
par l’unilatéralité des énoncés premiers.
Reconstruire la
théorie de la « structure » de la forme moderne de société
C’est en ce sens donc que j’ai proposé une reconstruction à
partir du commencement. Le commencement est complexe :
« bi-facial » et « bi-polaire ». Les deuxfaces sont
celle de l’entendement économique (Verstand) et celle de la raison (Vernunft)
juridico-politique. Les deux pôles antagoniques, qui se dédoublent
selon ces deux faces, sont d’une part le couple marché / organisation, et
d’autre part le couple contractualité interindividuelle /centrale.
On trouve bien, chez Marx, une bifacialité : ses
catégories initiales sont politico-économiques. Cela est vrai de son concept de
« travail », dans laquelle il faut une singulière myopie pour lire,
comme le font encore certains commentateurs, une catégorie
« physiologique » ou « technologique ». Cela est vrai plus
encore de son exposé de la production marchande, qu’il réfère à la relation,
hautement problématique, d’individus qui se reconnaissent libres et égaux. Il
établit ainsi son exposé sur le terrain d’une économico-politique que l’on
pourrait d’abord prendre pour celle même du libéralisme, s’il n’annonçait d’emblée
qu’il ne prend pas ces prétentions pour ce qu’elles se donnent.
Mais l’absence
de bipolarité fait gripper l’exposé. Il traite en effet la question
d’une part par l’ironie sur « l’Eden des droits de l’Homme et du
Citoyen », et d’autre part par la contre-figure, immédiatement
contreposée, d’une « communauté » d’hommes collectivement
propriétaires et gouvernant démocratiquement leur production. Mais cette figure
est projetée comme désignant la fin du processus historique, - dont il va falloir
penser le mouvement. Bien sûr, Marx dit aussi que le communisme n’est rien
d’autre que « le mouvement vers cette fin ». Mais il lui manque
d’être clair sur le fait qu’on ne peut assumer ce mouvement qu’en
« reprenant les choses par le commencement » : une liberté qui
se déclare purement marchande se disqualifie d’elle-même, l’acte libre se
mesure à la liberté commune qui en pose les conditions, c’est-à-dire leurs
limites. Le liberté du particulier de contracter avec un autre particulier ne
relève de la liberté que pourtant qu’elle s’inscrit dans une
socio-contractualité où se définissent par voie discursive des procédures, et
donc des fins et des moyens universellement recevables. La prétention
démocratique organisationnelle est aussi immédiatement présente au commencement
que la prétention libérale marchande. On ne peut commencer l’exposé par le seul
marché assorti de l’axiome libéral. Car celui-ci implique immédiatement son
contraire.
J’ai donc évoqué ici une première carence que l’on peut
appeler la carence « métastructurelle », qui rejaillit ultérieurement
en carence « structurelle » : l’organisation est « facteur
de classe » au même titre que le marché. La structure de classes présente
corrélativement deux pôles : le pôle de la propriété, politiquement
représenté par la droite classique, le pôle de la bureaucratie, représenté par
le partenaire de « l’alternance »
[6].
L’ordre
mondial : société civile mondiale ? ou système du monde ?
Je voudrais maintenant évoquer brièvement une carence
« systémique » - où « système » renvoie à système du monde,
centre-périphéries, par opposition à la notion de « structure »
sociale (à quoi je me suis, jusqu’à ce point, limité), qui vaut typiquement à
l’intérieur d’un Etat-nation. Et il est significatif qu’on la trouve à la fin
du chapitre III, qui clôture cette Section I par le concept de monnaie
universelle.
Marx a évoqué le rôle de l’Etat, qui choisit, établit et
manipule la monnaie. Et cela nous apprend du reste, à mon sens, deux
choses : 1/ il y a nécessairement, dans la théorie du capitalisme, un
moment très abstrait de théorisation de l’Etat, celui de l’« Etat avant
les classes » (au sens précis où Marx parle ici du « travail avant le
salariat », ou des « producteurs marchands » avant les classes,
au sens d’une antériorité « logique », et non historique), 2/ de ce
fait, la monnaie ne s’y conçoit pas seulement comme marchandise, fait marchand,
mais tout autant comme fait d’organisation. Marx dès avant Polanyi.
Puis, il en vient à la monnaie dans l’espace international.
Il voit significativement dans la barre métallique, « la marchandise dont
la forme naturelle est en même temps l’incarnation sociale du travail humain en
général, in abstracto ». « Monnaie de la Grande République
commerçante, comme disait Adam Smith », souligne Marx. « Sa
manière d’être, conclut-il, y devient adéquate à son idée », son Dasein adéquat
à son Begriff. Ce qui voudrait dire que le concept d’Etat mondial serait
celui de (pur) marché mondial.
Autrement dit, il en vient à cette dimension ultime dans
laquelle tout Etat particulier se dépasserait dans une société civile mondiale.
Dans ce moment le plus abstrait de son analyse, Marx se tient curieusement dans
l’épistèmè libérale d’une espace où république universelle signifie commerce
universel.
Dans toute
cette affaire on peut à volonté souligner deux choses contraires : ou bien
ce que Marx fait voir, ou bien au contraire ce qu’il voit sans voir.
Par exemple, on peut souligner qu’il fait voir la
fonction de l’Etat (« métastructurel ») dans la monnaie, de
l’organisation face au marché, qui s’affirme théoriquement avant même que
puisse être pensé l’Etat de classes, l’Etat « structurel ». Ou au
contraire qu’il le voit sans voir que cette étaticité métastructurelle
devrait être explicitement posée à ce niveau, avec tous ses présupposés
théoriques.
Second exemple : on peut souligner que Marx introduit
ici un clivage décisif, celui qui gouverne de droit tout l’ultérieur de la
théorie, entre l’espace national, structuré en classes, et l’espace
international, ou système des nations (capitalistement structuré). Soit le
clivage structure / système, qui fournit aujourd’hui le cadre de toute analyse
pouvant se réclamer du marxisme. Ou bien au contraire, on peut souligner
qu’il n’a pas théorisé ce système, qui ne le sera que dans les théories
des rapports centre / périphéries, vers les années soixante du XX° siècle (et
cela est vrai même si Marx a consacré une vaste partie de son œuvre, notamment
de journaliste politique, à l’analyse du rapport « moderne » entre
les nations, - conquêtes coloniales, etc.).
Et l’on peut encore, troisième exemple, souligner qu’il
n’a pas produit les concepts permettant de penser une phase ultérieure, celle
que je désigne comme « l’ultimodernité », dans laquelle à l’échelle
du monde émerge, imbriquée dans le système (impérialiste), une étaticité
mondiale, pour le meilleur et (pour l’instant surtout) pour le pire,
arraisonnée qu’elle est par la centricité systémique.
L’idée principale, dans toute cette série d’exemples, est
que Marx n’a pas correctement évalué le moment organisationnel face
au moment marchand. Marx, qui pourtant a « inventé » le couple
marché / organisation et en fait un usage théoriquement décisif (et qui
comporte sa part de vérité), supposant que l’histoire moderne conduit de l’un à
l’autre, s’est cependant mépris sur sa signification, n’ayant pas saisi
l’homologie épistémologique des deux termes, ni donc pris la mesure de leurs
relations. D’où tout à la fois cette imprégnation paradoxalement libérale de sa
vision du monde, et l’espoir démesuré qu’il reporte, ou qu’il a contribué à
faire reporter, sur « l’organisation » pour l’esquisse de la société
future, alternative à l’ordre marchand. Voir le célèbre texte de la critique du Programme
de Gotha.
J’ai donc évoqué ici une seconde carence que l’on peut
appeler la carence systémique, qui rejaillit ultérieurement en carence
ultra-systémique, qui pèse sur l’analyse de l’ultimodernité.
« Carence systémique », car il faut concevoir les
Etats-Nations comme des sociétés de classes selon la forme structurelle
(« structure de classes ») que gouverne cette matrice bifaciale et
bipolaire pour être en mesure de saisir que, dans le « système du monde »,
affranchi de la relation que j’appelle « bipolaire », puisque prévaut
censément le seul marché, disparaît aussi la relation économico-politique
« bifaciale » : nous sommes dans un rapport de forces entre
centre et périphéries, dépourvu de toute centricité ayant prétention et force
de droit. Ainsi se définit l’impérialisme, constitutif du capitalisme dès son
origine.
« Carence méta-systémique », parce qu’est aussi à
partir de là que l’on peut comprendre que nous sommes entrés dans l’ère de
l’ultimodernité, dans laquelle émerge, derrière notre dos, une forme étatique
(de classe) mondiale sous l’égide de la centralité systémique. Ce que j’ai
désigné comme la « contradiction principale » du moment contemporain
[7].
Notes
[1]. Ce livre, à paraître, propose
une reconstruction de l’ensemble de l’œuvre, appuyée sur une explication,
alinéa par alinéa, des chapitres 1 à 7 (soit des chapitres 1 à 5 de la version
allemande originale) du Livre I. Il met en œuvre les concepts
élaborés dans Théorie générale, Théorie du droit, de l’économie et de
la politique, PUF, 1999, et dans Que faire du Capital ?, seconde
édition, PUF, 2000.
[2]. Je ne puis expliquer ici toutes
les catégories que j’utilise, qui demanderaient souvent de longs
développements. Je ne puis que renvoyer le lecteur à Théorie générale, qui
comporte un glossaire approprié, et, pour une première approche, à
« Topologie d’une alternative », exposé inaugural du Dictionnaire
Marx Contemporain, PUF, 2001.
[3]. Que faire du
Capital ?, PUF, 2000, pages 126-128
[4]. Ibid., chapitre 9, La forme
de la valeur.
[5].
Le Capital, Editions Sociales, tome I, p. 111.
[6]. Il en découle la ligne
générale d’une politique des exploités, qui ne peut être évoquée ici. Je
me permets de renvoyer à mon article « Adieu la Gauche ? De
l’alternance à l’alternative : le système des positions de partis »,
dans la revue Mouvements, N° 24, novembre-décembre 2002, La Découverte. Il
sera complété par un second article, à paraître dans la même revue en avril
2003, sur le concept et la structure des classes sociales dans le capitalisme.
[7]. Je m’en explique plus longuement
dans « En quel temps, en quel monde vivons-nous ? »,
Le capital et l’humanité, Actuel Marx, N°31,
PUF, 2002.