- Dans cet article, l'économiste Jean-Marie Harribey
répond aux remarques critiques formulées par Antoine Artous
[3] à propos de son livre : La richesse, la valeur et l’inestimable.
Fondements d’une critique socio-écologique de l’économie capitaliste.
Mon livre
La richesse, la valeur et
l’inestimable. Fondements d’une critique socio-écologique de l’économie
capitaliste (Paris, Les Liens qui libèrent, 2013) commence à faire
l’objet de discussions et j’en suis heureux, même quand elles sont critiques
1.
L’enjeu est de pouvoir s’attaquer à l’épistémologie néoclassique qui, loin
d’être menacée par la crise du capitalisme actuel, semble en sortir encore
renforcée pour tenter de justifier la marchandisation des derniers espaces qui
ne sont pas sous la coupe du capital, à l’instar de la nature et de tous les
biens communs.
Antoine Artous, dont les travaux sont une référence
dans le domaine de l’exégèse marxiste, revient longuement sur mon livre pour en
discuter l’un des points clés. Je commence par le remercier chaleureusement
pour la minutie avec laquelle il s’est livré à cet exercice, et je lui dis que
ce qui suit vise à approfondir la discussion dans la mesure où il me force à
mieux préciser les choses et à en améliorer les formulations, voire à les
corriger. A. Artous publie sur le site de la revue
Contretemps un
article intitulé
« Jean-Marie
Harribey, la "sphère non marchande" et la théorie de la valeur de
Marx » [3]. Dans cet article détaillé, le lecteur verra
facilement qu’A. Artous et
moi sommes à peu près d’accord sur Marx (il dit se
référer aux mêmes écrits et citations que moi et les interprète le plus souvent
de la même manière), et qu’il me donne quitus sur l’écologie, sur la critique
du cognitivisme et sur la critique d’auteurs importants comme Gorz, Postone,
Orléan, Friot, etc. En revanche, A. Artous s’arrête longuement pour la
critiquer sur ma thèse du travail productif dans la sphère non marchande et sur
le statut de la monnaie dans la théorie de la valeur que cette thèse implique.
Avant d’examiner son argumentation, une remarque préalable s’impose :
A. Artous a parfaitement le droit de focaliser son attention sur un point
de son choix, mais je dois dire que ma problématique consiste à forger un ensemble
théorique cohérent de critique de l’exploitation du travail et de critique du
saccage de la nature dans le contexte de crise globale du capitalisme mondial.
Pour y parvenir, il m’apparaissait indispensable de réexaminer les questions de
la richesse et de la valeur, dès lors que j’interprète la crise comme une crise
de production et de réalisation de valeur dans une double direction :
difficulté à faire produire de la valeur réalisable sur le marché par la force
de travail au-delà d’un certain taux d’exploitation de celle-ci, et difficulté
à faire produire de la valeur à la force de travail sur une base matérielle de
ressources naturelles trop dégradées ou épuisées. Revisiter la théorie de la
valeur était donc pour moi un objectif visant non pas tant à innover sur cette
théorie qu’à intégrer en son sein les faits saillants des transformations
contemporaines du capitalisme, notamment la place prise par la connaissance,
les avancées/reculs d’une sphère échappant au règne de la marchandise et
l’émergence de la problématique écologiste.
1. Position du problème : le champ de la
valeur
Je vais donc
essayer d’étudier attentivement les arguments critiques d’A. Artous. Je pense
pouvoir montrer à quel point nous avons collectivement besoin de nous
débarrasser d’une croyance au sein du marxisme le plus répandu sur la question
du travail productif, qui est, me semble-t-il, irrationnelle.
Cette croyance
est que les travailleurs employés dans les services non marchands échappant à
la loi du capital sont improductifs de valeur. Selon cette croyance, ces travailleurs
sont alors rémunérés par un prélèvement sur la valeur produite par les
prolétaires de la sphère capitaliste ou, comme le dit A. Artous, par « des
prélèvements sur le capital ». J’ai démontré par l’absurde que cette idée
était une aporie, car on ne peut concevoir un prélèvement sur une base qui
n’existe pas encore et, pire, qui doit résulter de ce prélèvement. Tel est le
sens du « passage à la limite » que j’ai proposé. Une fois cette
aporie mise au jour, la démarche que je propose est de faire de la valeur une
catégorie qui ne soit pas exclusivement liée à la dynamique de l’accumulation
du capital, mais qu’elle soit une catégorie capable d’englober l’ensemble du
travail abstrait socialement validé.
A. Artous me rétorque, et je le cite
entièrement :
« Si
quelque chose est "absurde" c’est que J.-Marie Harribey ne se rende
pas compte que cet argument logique ne tient pas. Dans cet exemple, les
rapports de propriété (et donc les rapports sociaux de production, même si ces
derniers ne se réduisent pas à eux) ont été complètement bouleversés, donc,
également, les formes de production et de validation de la richesse sociale. Et
la remarque permet de préciser ce qu’il faut entendre par la référence à une
analyse logique, dans ses différences avec une analyse historique, que l’on
retrouvera à propos de la genèse de la monnaie. Il ne s’agit pas d’une logique
de pure forme (et dans ce cas circulaire), mais d’une logique qui s’articule à
une certaine logique immanente à des rapports sociaux spécifiques et à leurs
contradictions. Au-delà, se joue une approche de l’objectivité du
"social" (de l’objectivité des formes sociales) très bien illustrée
par la problématique marxienne du fétichisme ».
Comment A. Artous ne voit-il pas que le
bouleversement des rapports de propriété dont il parle fait précisément partie
des arguments que je mobilise pour expliquer que la valeur (au sens de
Marx !) n’a rien à voir avec la matérialité du produit ou une quelconque
caractéristique du produit, mais est une fraction du travail social dont la
validation est soit le fait de la vente sur le marché, soit (et je ne lâcherai
pas ce point, quitte à me fâcher avec tous les marxistes renommés) le fait
d’une décision politique collective ? Que le capital soit
« complètement dominant dans la logique d’accumulation actuelle »,
comme l’écrit A. Artous, est une chose dont il me donnera acte, j’espère.
Mais dire cela, 1) n’enlève pas le fait que dominant ne signifie pas exhaustif,
2) n’a strictement rien à voir avec un raisonnement logique.
Donc, l’objection d’A. Artous (« On peut très
bien expliquer qu’ils [les travailleurs des services non marchands] sont
improductifs du point de vue de la logique du capital et porteurs d’une forme
différente de richesse économique, fondée sur des besoins sociaux validés
démocratiquement, contradictoire à la logique du capital ») n’en est pas
une, puisque c’est très exactement ma thèse, à ceci près que cette richesse
économique est valeur et non pas seulement valeur d’usage.
Cependant, A. Artous voit très bien le problème
auquel se heurte le marxisme traditionnel : celui-ci ne sait pas comment
traiter la monnaie. Et l’enjeu théorique est de taille : d’un côté, le
travail ayant produit les marchandises n’a créé aucune valeur si les
marchandises n’accomplissent pas leur « saut périlleux » sur le
marché, c’est-à-dire si le travail abstrait ne revêt pas la forme monétaire (le
lecteur doit comprendre qu’on suit au plus près Marx ici), ce qui suppose que
la monnaie correspondante ait été injectée au préalable ; d’un autre côté,
le travail produisant les services qui ne seront jamais vendus est validé par
la décision collective d’investir et d’embaucher, c’est-à-dire encore qui
implique, logiquement parlant, l’injection monétaire correspondante. D’où la
nécessité de l’État pour instituer la monnaie en tant
qu’équivalent général. A. Artous me reproche de ne pas avoir traité la question
de fond de l’État. Certes, je me contente d’intégrer l’État dans le traitement
de la question monétaire, sans prétendre épuiser la discussion sur lui.
2. Traitement du problème : intégrer valeur et
monnaie dans une même théorie de l’économie monétaire de production
Je suis de plus en plus persuadé que ce qui bloque
dans le marxisme traditionnel, c’est qu’il n’a jamais réussi à se défaire
entièrement d’une vision « réelle » de l’économie, celle qu’avait
l’économie politique classique. C’est ainsi, par exemple, que Jacques Bidet,
avec qui j’ai discuté il y a plus de dix ans de ces questions
2,
ne comprenait pas pourquoi je faisais appel à Keynes pour reconstruire une
théorie de la valeur intégrant celle produite dans les services non marchands.
Je procède à cette greffe keynéso-kaleckienne sur la théorie de la valeur parce
que nous sommes dans une économie monétaire de production et non pas dans une
économie de troc à la Jean-Baptiste Say ou même à la David Ricardo
3.
Autrement dit, la thèse selon laquelle les services non marchands sont financés
(ou payés, je verrai plus loin la distinction entre ces deux notions) par un
prélèvement sur quelque chose existant préalablement (en l’occurrence, la
plus-value capitaliste) est, méthodologiquement, en tout point analogue à la
thèse de l’épargne préalable pour financer l’investissement, elle-même
consubstantielle de la loi des débouchés de Say.
Allons au fond des choses : d’où vient la
monnaie servant aux avances faites pour payer des salaires et éventuellement
des intérêts et des dividendes, et d’où vient celle servant à acheter les biens
d’investissement net non financés par l’épargne ? Il n’y a que deux
réponses possibles : ou bien cette monnaie circule déjà, et les capitalistes
l’avancent, mais alors il ne peut y avoir de profit d’entreprise, c’est-à-dire
d’accumulation, à l’échelle macroéconomique puisque les capitalistes ne
feraient que récupérer leurs avances monétaires ; ou bien elle est créée
et rend possible l’investissement macroéconomique net, conformément à la
problématique de Keynes, qui rejoint celle de Marx. En outre, comme
l’expliquait Kalecki, plus les travailleurs travaillent, plus la plus-value
susceptible d’être prélevée sur le produit de leur travail par les capitalistes
est élevée. Mais la part que ceux-ci parviennent effectivement à prélever est
déterminée lorsqu’ils répartissent le pouvoir d’achat entre les travailleurs et
eux-mêmes, c’est-à-dire entre les salaires et les dépenses d’investissement qui
commandent la dynamique économique et donc l’accumulation du capital. En
d’autres termes, au niveau global, les profits se fixent à la hauteur des
dépenses d’investissement que les capitalistes réalisent. Les profits
monétaires non distribués des entreprises ne peuvent être réalisés sur la base
des seules ressources monétaires résultant de l’avance faite par les
capitalistes. En effet, cette avance reflue vers les entreprises sous forme
soit de consommation de capital, soit de consommation finale, soit d’achats de
titres ; mais, pour qu’une quantité de monnaie vienne se porter acquéreur
des biens d’investissement net privé (idem pour les biens d’investissement net
public), il faut que cette monnaie soit injectée de manière volontariste. La
création monétaire s’effectue-t-elle ex post, après avoir constaté
l’impossibilité de boucler le circuit sans elle, l’impossibilité de réaliser
l’accumulation du capital ? Non, d’un point de vue logique, elle
s’effectue ex ante, parce que, sans elle, le processus de
production capitaliste dans son ensemble ne serait pas inauguré. L’accumulation
nette du capital, qui n’est autre chose que la réalisation du profit monétaire
non distribué, nécessite donc absolument la présence d’une banque centrale qui
ait le pouvoir d’émettre de la monnaie en plus de celle qui est endogène au
système économique. Ainsi, avant même que Keynes ait pensé que l’intervention
de l’État était nécessaire pour remédier à une situation de sous-emploi, Marx
avait vu que l’existence d’un État était indispensable pour que les rapports
sociaux capitalistes puissent s’étendre sur une échelle toujours plus grande.
De ce point de vue, je crois défendre la même idée qu’A. Artous, Pierre Salama
et Tran Hai Hac.
La divergence porte sur le point suivant :
selon la plupart des auteurs marxistes, il faut qu’il y ait d’abord production
et réalisation de valeur dans la sphère capitaliste pour que, ensuite,
puisse être envisagé un prélèvement sur celle-ci destiné à faire exister des
services non marchands. Cette vision diachronique est aussi intenable que celle
qui fait dépendre la décision d’investir de l’existence préalable d’une
épargne. La raison en est la même : elle suppose une économie
« réelle » sans monnaie où, pour investir, il suffit de ne pas tout consommer,
et où, pour avoir une école non marchande, il suffit de prendre un peu sur la
consommation de la classe capitaliste. Et le tour est joué ? Eh bien, non,
dans une économie capitaliste (Marx) qui est une économie monétaire de
production (Keynes), il faut deux choses pour investir : des forces
productives disponibles et une anticipation monétaire de leur mise en œuvre,
mais pas de prélèvement sur quelque chose déjà existante. Pour le dire
maintenant simplement, voire brutalement, 1) on n’a pas besoin de production marchande
d’automobiles pour produire de l’éducation non marchande, il suffit de réunir
les deux conditions précédentes ; 2) les travailleurs des services non
marchands produisent le revenu qui les rémunère. Il s’ensuit que lesdits
prélèvements obligatoires sont effectués, non pas sur le produit marchand, mais
sur un produit total déjà augmenté du fruit de l’activité non marchande. Les
salaires versés dans la sphère non marchande ne sont donc pas prélevés sur les
travailleurs de la sphère capitaliste, et ce de la même façon que ces derniers
produisent aussi les salaires qu’ils reçoivent (une partie de ladite valeur
ajoutée), qu’il ne faut pas voir comme un prélèvement sur les consommateurs,
bien que les dépenses d’achats de consommation retournent dans les entreprises.
L’impôt collectif est au service non marchand ce que le paiement individuel du
prix est à la marchandise, mais c’est un prix politique.
Ce qu’ont très bien compris les idéologues libéraux
au service de la marchandisation de toute l’économie, c’est que les ressources
humaines et matérielles que la société décide de consacrer à la sphère non
marchande ne sont plus disponibles pour aller augmenter la sphère où s’accumule
le capital. Ainsi, les travailleurs des services non marchands ne sont pas productifs
de plus-value pour le capital mais ils sont productifs de valeurs d’usage ainsi
que de valeur pour la collectivité. D’où les cris d’orfraie incessants des
libéraux après les dépenses publiques, les impôts, les « charges sociales
», etc., tandis qu’ils bloquent l’accès des collectivités publiques à la banque
centrale et réclament la privatisation de tout ce qui échappe au capital.
En face, les successeurs de Marx oublient la
précaution que celui-ci prenait en distinguant le procès de production (de travail)
en général et le procès de production (de travail) capitaliste. Dans le début
du Livre I du
Capital, Marx dresse l’idéal-type (au sens de Max
Weber) du capitalisme, dans lequel par définition n’est productif que le
travail qui engendre de la valeur pour le capital. Mais ce modèle idéal-typique
ne recouvre pas la totalité et la complexité des sociétés concrètes dominées
par le capital. Il faut donc prendre au sérieux l’hypothèse, à laquelle semble
adhérer A. Artous, selon laquelle la monnaie est une catégorie qui,
historiquement et logiquement, est antérieure au capital. Plus personne
aujourd’hui ne conteste sérieusement l’antériorité de la monnaie sur le plan
historique. Mais la genèse logique de la monnaie reste encore une épine dans le
pied de nombreux marxistes. J’ai fait mienne l’idée que « la monnaie est
un présupposé de la marchandise », comme l’écrit A. Artous
4.
Mais il conteste le fait, ainsi que je l’ai exprimé dans mon livre, qu’il y
aurait peut-être chez Marx une hésitation entre, d’un côté, une mesure des
valeurs logiquement antérieure à la généralisation des échanges, et, de
l’autre, une apparition de la monnaie au terme d’un processus de transformation
d’une marchandise parmi d’autres en équivalent de toutes les autres. Or, si
j’en juge par l’échange ayant eu lieu entre lui et Tran Hai Hac lors de la
parution de leurs livres récents respectifs
5,
ce que j’appelle l’hésitation probable de Marx est au centre de la discussion
entre les deux auteurs : Tran Hai Hac penchant pour l’idée que, selon
Marx, « le travail en général exprime un rapport social dans quelque forme
de société que ce soit »
6.
S’il en est ainsi, et je le pense aussi, alors en découle l’idée que
l’abstraction du travail doit trouver sa forme spécifique dans n’importe quelle
société dans laquelle il y a division sociale du travail et où les échanges
continuent d’avoir lieu. C’est d’ailleurs ce que reconnaît explicitement A.
Artous dans son adresse à Tran Hai Hac : pour Marx, il existera un
processus d’égalisation des travaux dans une société socialiste.
Les raisons des objections que m’adresse A. Artous
sur la monnaie sont doubles. D’une part, me dit-il, la monnaie n’est pas un
médiateur social en soi, et Marx « souligne comment [dans les sociétés
précapitalistes] la structuration des liens sociaux ne passe pas (d’abord) par
l’échange marchand et que la richesse ne se présente pas comme accumulation
d’argent pour l’argent qui s’autovalorise. L’accumulation d’argent par les
’’classes’’ supérieures est d’abord un moyen de reproduire leur statut social,
les hiérarchies sociales étant légitimées dans l’ordre supranaturel et/ou
cosmique ». C’est exactement la thèse à laquelle je me range et j’indique
dans mon livre que Marx prépare ainsi les travaux anthropologiques ultérieurs
qui montreront que la monnaie existe bien dans ces sociétés mais comme autre
chose qu’un outil d’échange économique.
D’autre part, j’aurais, selon A. Artous,
« oublié que, chez Marx, la forme valeur est liée au procès général de
marchandises ». Je ne l’oublie pas, je dis seulement que cela n’est vrai
que dans le modèle le plus pur, abstrait, idéal-typique du capitalisme. Mais, à
s’en tenir là, cela pourrait ressembler à une tautologie, produire de la valeur,
c’est produire du capital, et réciproquement, ce qui se traduirait en termes
logiques par la proposition : capital <=> valeur, alors que je pense
qu’il faut écrire capital => valeur. Produire de la valeur est une condition
nécessaire pour engendrer l’accumulation du capital, mais je soutiens que ce
n’est pas une condition suffisante, et que, dans l’espace restant, se loge le
travail productif dans la sphère monétaire non marchande. Tel est en résumé le
différend qui m’oppose à la plupart des marxistes traditionnels qui, pour les
uns, s’arc-boutent sur le caractère matériel du produit (par opposition à un
service) pour définir le travail productif, et pour les autres dans le meilleur
des cas s’en tiennent à la définition du travail productif pour le capital.
Aussi, les longs développements philosophiques
savants n’aident pas beaucoup à répondre à cette question simple : comment
peut-on faire un prélèvement sur une base qui, à la limite, serait inférieure à
celui-ci ?7
3. Résolution du problème : la valeur est
l’expression monétaire de différents rapports sociaux qui se combinent et se
concurrencent dans une société donnée
En première approximation, on peut dire comme Marx
que la valeur est un rapport social puisque nous la définissons comme une
fraction du travail social. Mais, dans une société donnée, plusieurs types de
rapports sociaux peuvent coexister, bien que l’un d’eux domine tous les autres.
Il est donc nécessaire de rendre compte de cette réalité complexe. La théorie
marxiste traditionnelle énoncée depuis un siècle et demi ne le permet pas,
parce qu’elle n’a pas épuisé toutes les conséquences de l’hypothèse monétaire.
En particulier, elle n’a pas suffisamment distingué le financement de la
production et le paiement de celle-ci. Le premier se situe en amont de la
production, lors de l’anticipation des débouchés par les capitalistes et lors
de l’anticipation des besoins collectifs par la société. Le second est
postérieur à la production. Lorsqu’on fait cette distinction, l’affirmation que
le secteur capitaliste finance les services non marchands perd toute
signification, puisque le financement de la production capitaliste consiste en
un pari sur les débouchés marchands, dans lequel n’entre aucune considération
d’ordre collectif, et dans lequel il ne peut y avoir aucune prise en compte de
ce que coûterait (si l’on veut éviter le mot « vaudrait ») le
résultat d’une décision collective éventuelle prise par ailleurs. Peut-on se
rabattre alors sur une proposition de second rang, qui affirmerait que le
secteur capitaliste paie les services non marchands, par le biais d’un
prélèvement sur le capital, en reprenant la formulation d’A. Artous ? Si
l’on prend le cas de la France en 2012 où le produit net des sociétés privées
est d’environ 1000 milliards d’euros, sur lesquels elles versent 750 milliards
de salaires, le reste étant leur résultat d’exploitation, on ne voit pas d’où
sortiraient les centaines de milliards d’euros représentant la sphère non
marchande. On est donc bien dans une impasse intellectuelle totale. Pour en
sortir, il faut formuler les choses radicalement autrement : les
capitalistes paient des impôts et cotisations, les salariés du secteur marchand
et du secteur non marchand aussi ; tous ces impôts et autres cotisations
sont prélevés en aval de la production sur un produit global, je le répète, qui
comprend le produit marchand et le produit non marchand.
Le diable étant dans les détails, il est temps de
s’arrêter un peu sur la sémantique car le poids des mots est très important. A.
Artous croit pouvoir traduire ma thèse en écrivant : « les salariés
du secteur public ne seraient pas payés sur la base d’un prélèvement sur la
sphère marchande (productive), mais sur la base de leur propre production de
services qui, via la valeur monétaire, s’intègre, en quelque sorte,
à la
valeur produite par le secteur marchand ». Je souligne la préposition
à car
son emploi par A. Artous traduit son incompréhension de ma thèse (je ne parle
pas ici de son opposition à celle-ci) car j’argumente justement pour réfuter
l’idée que la valeur des services non marchands est
intégrée à la
valeur de la production marchande, et pour montrer au contraire qu’elle
s’y
ajoute. Donc, même quand A. Artous croit exprimer ce que je dis, c’est sa
propre croyance qui ressurgit : la valeur des marchandises inclut les
services non marchands
8.
A. Artous peut croire cela, mais je pense exactement le contraire. C’est ce qui
me fait dire que la vision traditionnelle fait dépendre la non-marchandise de
l’existence de la marchandise, ce que dit ne pas comprendre A. Artous, alors
que c’est lui-même qui intègre la première
à la seconde.
A. Artous préfère dire que la valeur est
« immanente » à des rapports sociaux plutôt qu’« inscrite »
dans ces rapports. À ce stade, je ne vois pas la différence. A. Artous
l’explique en proposant de compléter ma formulation de la conception marxienne
du travail socialement validé : « il faudrait ajouter – et cela
est décisif – du travail socialement validé par le marché, dans une
société qui a vu se développer une production capitaliste et des rapports
marchands généralisés ». D’une part, c’est exactement ce que je dis mais,
d’autre part, je ne dis pas que cela : validé par le marché ou par
décision politique collective. On revient
toujours au même problème : la vision marxiste traditionnelle n’intègre
pas le fait qu’à côté du développement des rapports marchands se sont aussi
développés des rapports non marchands pendant tout le XXe siècle. Et
cette vision a tant de mal à prendre en compte cette réalité qu’A. Artous dit
préférer parler de services publics plutôt que de services non marchands. Or,
des services non marchands existent aussi en dehors du giron de l’État.
Je m’éloigne un instant du texte d’A. Artous pour
reproduire ici la réponse à une question soulevée par Ghislain Deleplace lors
de la présentation de mon livre que j’ai faite à l’Université Paris VIII
9 : pourquoi je ne pousse pas jusqu’au
bout mon raisonnement sur les services en l’appliquant aux banques qui créent
la monnaie ? Ce « travail » de création de monnaie ne serait-il
pas lui aussi productif de valeur ? Ma réponse est catégorique : non,
parce que la monnaie n’est ni une marchandise, un bien ou un service comme les
autres. Parler de sa « valeur » ne peut pas avoir le sens précédent
parce qu’elle n’est pas « produite » par un travail, la monnaie est
instituée.
On pourrait aussi remuer le couteau dans la plaie
en notant combien la question des travailleurs employés par le capital
commercial est habituellement traitée de manière chancelante. A. Artous écrit
en se référant à Pierre Salama et Jacques Valier : « les travailleurs
du commerce, bien qu’improductifs, permettent la réalisation de la valeur et sont
exploités, car ils sont payés par une fraction de la plus-value
reçue par le capital commercial pour ses prestations de
service ». C’est moi qui souligne pour mettre en évidence l’incongruité de
cette causalité. Je traduis : ils sont exploités car leurs
camarades du secteur productif sont exploités ! Marx mérite mieux que cela :
il avait au moins montré l’importance du concept de travailleur collectif. Et
puisque A. Artous reconnaît que Poulantzas s’était trompé en n’accordant le
statut de travail productif qu’à celui fabricant des biens matériels, il suffit
de faire un pas de plus pour réfléchir à la coexistence d’une sphère marchande
et d’une sphère non marchande, dont il est logiquement impossible de faire
dépendre l’existence de l’une de celle de l’autre. En définitive, il suffit de
se représenter une économie capitaliste concrète comme un circuit dans lequel
les entrées des uns sont les sorties des autres et vice versa.
Le marxisme post-Marx en est resté à Adam Smith qui
raisonnait sur le domestique employé par le capitaliste à son domicile et qui
produisait des services qui ne permettaient pas à son maître d’accumuler du
capital.
Evidemment, Smith avait
raison dans cet exemple. Dans La richesses nations, Smith avait
intitulé son chapitre « Du travail productif et du travail improductif, de
l’accumulation du capital ». Explicitement il définissait le travail
productif au regard de l’accumulation du capital. Mais le tort de toute
l’économie politique, sans parler de la mal-nommée science économique moderne,
est d’en avoir conclu que le domestique ne produisait rien, à part des valeurs
d’usage. Le salaire reçu par le domestique du capitaliste,
qui a choisi, en l’embauchant, de se priver d’un « enrichissement »
que lui aurait procuré un ouvrier de plus, est déclaré par Smith comme
représentant une « subsistance consommée par le domestique [qui] ne se
trouve nulle part »
10.
Nous sommes en présence de deux erreurs. La première est de ne pas voir que la
subsistance consommée par le domestique est bien réelle et provient bien de
quelque part : de lui-même si, en même temps qu’il produit le service pour
son maître, il en produit une part pour lui (par exemple, la nourriture), et
surtout, de la production extérieure dont il achètera une part avec son
salaire. La seconde erreur, et la plus importante pour notre discussion,
consiste, de la part de Smith, à oublier la distinction, qu’il a posée au
départ même de sa réflexion, entre valeur d’usage et valeur d’échange. Le
domestique produit des valeurs d’usage. Produit-il de la valeur ? Il n’en
produit pas pour valoriser le capital, c’est la leçon essentielle de Smith qui
a très bien vu que les ressources humaines et matérielles consacrées au service
personnel du maître n’étaient plus disponibles pour engendrer du capital
nouveau, mais on peut considérer que le domestique produit le revenu
supplémentaire qui le rémunère. En glissant d’une définition contingente à une
définition générale, le contresens de toute l’histoire de la théorie économique
fut de ne voir dans la dépense improductive de capital qu’un prélèvement – ce
qui, soit dit en passant, est un truisme car toute dépense est effectivement un
prélèvement sur un revenu –, en ignorant que la
décision de
dépense supplémentaire
fait naître l’activité qui
engendre un
produit et un revenu supplémentaires, donc une valeur socialement validée.
Comment, vous avez dit Marx ? Oui. Vous dites
Keynes aussi ? Oui encore
11.
En guise de conclusion provisoire
Le propre des échanges théoriques est de ne jamais
se clore. Il en sera ici comme dans toute discussion, pour laquelle je
renouvelle mes remerciements à A. Artous. Je m’en tiendrai à quelques phrases
de synthèse et à trois remarques.
1) En passant de l’économie politique à sa
critique, Marx fait un bond en avant en superposant trois niveaux
d’analyse : la valeur d’usage comme condition de la valeur en
tant que fraction du travail social, laquelle apparaît dans l’échange monétaire
par le biais d’une proportion, la valeur d’échange qui est
mesurée par la quantité de travail nécessaire en moyenne dans la société
considérée. Son projet théorique est de trouver la substance sociale
de la valeur qu’il situe dans le travail, déterminer la grandeur de
la valeur qui est mesurée par le temps de travail et comprendre le passage
de la valeur à sa forme qui se fait par le biais de la valeur
d’échange monétaire. Comme l’échange de la force de travail dans les services
non marchands se fixe contre salaire monétaire et que le paiement collectif du
fruit de cette force de travail, via l’impôt, se fixe aussi sous forme
monétaire (deux fixations qui sont certes le résultat de conventions sociales
et politiques), j’en conclus que la catégorie de valeur s’applique. Et je
résume cela par les implications logiques suivantes :
marché => monnaie (la réciproque n’est pas vraie),
monnaie <=> valeur (implication réciproque).
Ainsi, ce n’est pas la matérialité du produit, ni
l’appropriation de sa valeur monétaire qui fait la nature productive ou non du
travail, c’est sa validation sociale qui s’effectue par le marché ou par
décision politique. D’un côté, c’est le « saut périlleux » pour la
marchandise sur le marché, de l’autre c’est le « saut assuré »
12 par
la puissance publique dans la sphère non marchande.
2) Première remarque : j’ai déjà observé le
fait qu’A. Artous approuve mes critiques de l’écologie politique médiatiquement
dominante, du cognitivisme et d’auteurs réputés ayant consacré leurs recherches
au travail, à la monnaie et à la valeur. Or je fonde ces critiques sur la base
de mes propres hypothèses et raisonnements, qu’A. Artous récuse. Comment
puis-je réussir une critique juste fondée sur des prémisses fausses ? Du
faux jaillirait-il le vrai ? Ce serait une dialectique curieuse.
3) Deuxième remarque : si ma thèse du travail
productif dans les services non marchands est récusée, que reste-t-il pour
fonder une critique théorique et politique du processus de délégitimation de la
production non marchande que le capitalisme néolibéral en crise mène tambour
battant, tellement il lui faut trouver de nouveaux espaces de valorisation… du
capital ? Pas grand-chose du côté du marxisme traditionnel, aussi désarmé
face à l’idéologie néoclassique que face aux formulations faussement critiques
des néo-institutionnalistes qui confondent substance naturelle et substance
sociale de la valeur.
4) Troisième et dernière remarque pour introduire
un brin d’humour dans ce débat difficile et aussi « touffu » (le mot
est d’A. Artous) que mon livre. A. Artous cite un passage de mon livre (page
369) en commettant une coquille sans doute révélatrice. Il écrit en me
citant : « À cette contradiction logique [c’est celle que je relève
grâce à mon passage à la limite], il faut trouver une solution logique :
reconnaître que le travail peut être improductif tout en étant
producteur de valeur et de revenu nouveau. » (Je souligne). Alors
que j’avais écrit : « … reconnaître que le travail peut être
improductif de capital tout en étant producteur de valeur et
de revenu nouveau » (Je souligne encore). Evidemment, il s’agit d’une
coquille. Mais, comme le disait Lacan des lapsus, les actes manqués sont les
mieux réussis.
Annexe : Le fabricant de piano, le pianiste et la
chanteuse (extrait de La richesse, la valeur et l’inestimable, p.
72-73)
Dans les
Grundrisse, Marx reprend
l’exemple de Senior à propos du fabricant de pianos et du pianiste :
« Le fabricant de pianos reproduit du capital ; le pianiste ne fait
qu’échanger son travail contre un revenu »
13.
Telle quelle, la réponse de Marx n’est pas suffisante et dans d’autres
passages, il l’affinera. Nous considérons que quatre cas de figure au sujet du
pianiste de Senior sont à envisager, qui correspondent à quatre modes de
production abstraits différents.
Premièrement, le musicien vient faire son récital
devant son mécène et reçoit ensuite son obole des mains généreuses de son
Altesse (tel fut le sort de Mozart à la cour de Vienne et de tant d’autres).
C’est ce cas dont parle Marx dans la citation ci-dessus et il le fait de
manière correcte (à ceci près, comme nous le verrons plus tard, que le revenu
est engendré), mais ce cas ne reflète pas le mode de production capitaliste.
Deuxièmement, le musicien est un artisan qui vend
son produit à sa valeur reconnue par le marché, laquelle excède la valeur de sa
seule force de travail et qui lui permet d’accumuler à petite échelle du
capital (c’est ce point qui sépare l’artiste artisan de l’artiste mozartien).
Troisièmement, le musicien est employé comme
professeur dans une école de musique privée appartenant à un capitaliste
cherchant la rentabilité de son capital : le musicien est productif de
capital. C’est, sans conteste, également le point de vue de Marx.
Le problème théorique naît avec le quatrième cas de
figure possible : le musicien est employé par l’État ou une collectivité
quelconque qui ont décidé que tous les enfants devaient apprendre la musique en
même temps que le calcul. Faut-il ranger ce musicien dans la même catégorie que
Mozart ? Marx ne répond pas à cette question, mais établit pourtant
implicitement la même typologie que celle que nous proposons :
« Une chanteuse qui chante comme un oiseau est
un travailleur improductif. Lorsqu’elle vend son chant, elle est salariée ou
marchande.
Mais la même chanteuse,
engagée pour donner des concerts et rapporter de l’argent, est un travailleur
productif, car elle produit directement du capital »14 Il faut donc
construire une nouvelle catégorie, celle d’un travailleur ne produisant pas du
capital mais du revenu et qui a quelques points communs avec le musicien
mozartien.
Nos contenus
sont sous licence Creative Commons, libres de diffusion, et Copyleft. Toute
parution peut donc être librement reprise et partagée à des fins non
commerciales, à la condition de ne pas la modifier et de mentionner auteur•e(s)
et URL d'origine activée.
- 1. Je
laisse de côté les publications dont les commentaires ont été autant
empreints d’arrogance et de suffisance que d’ignorance des problèmes
étudiés, notamment parce que mon livre a bousculé la bien-pensance
social-démocrate façon Alternatives économiques et la
bien-pensance écologiste intégriste façon La Décroissance.
Voir mes réponses dans « La
richesse, la valeur et l’inestimable… pour les vacances » [4],
24 juillet 2013.
- 2. On trouvera ce débat ici [5]. Je m’étonne qu’A. Artous dise dans le corps de son texte
que les éléments de ce débat n’apparaissent pas dans mon livre et qu’il
dise le contraire dans sa note de fin de texte n° 4 (ce débat est
effectivement repris dans mon livre dans les pages 370 à 375).
- 3. Dans le premier chapitre de mon livre, j’essaie d’expliquer
pourquoi les classiques anglais (Smith et Ricardo) ont l’intuition féconde
que l’économie politique est une affaire de confrontation de classes
sociales, mais que, paradoxalement, ils évacuent la monnaie.
- 4. De
son côté, Tran Hai Hac, Relire « Le Capital », Marx,
critique de l’économie politique et objet de la critique de l’économie
politique, Lausanne, Page deux, Cahiers libres, 2003, tome I,
p. 106-107, le dit ainsi : « La forme monnaie s’impose aux
marchandises comme condition de forme et présupposition de tout échange
marchand. […] La monnaie n’est pas un instrument commode des rapports
sociaux : elle est la forme même du rapport social. »
- 5. Antoine
Artous, Travail et émancipation sociale. Marx et le travail,
Paris, Syllepse 2003 ; Tran Hai Hac, Relire « Le
Capital », op. cit. Leurs échanges sont contenus respectivement
pour les deux auteurs dans A.Artous, « Travail
abstrait et "travail en général », « Quelques remarques sur
le texte de Tran Hai Hac », et dans Tran Hai Hac,
« L’Introduction de 1857, "travail en général" et
travail abstrait ».
- 6. D’ailleurs,
dans la note 39 (tome I, p. 338) du chapitre 3 de son livre, Tran Hai Hac
cite Marx pour indiquer combien le renversement de la forme II en forme
III pose un problème d’interprétation.
- 7. « L’industrie
paie les services », écrit en substance Michel Zerbato, « Sur
la valeur et son partage » [6], Respublica, 26
décembre 2012. Ah bon, un quart de la valeur ajoutée paie les trois quarts
de celle-ci ! Je n’ai en outre pas la place ici de critiquer la
confusion entre le concept de travail productif et l’évolution de la
productivité du travail. Dans une autre direction, j’ai un débat depuis de
nombreuses années sur la même question avec Alain Caillé, qui d’un côté me
qualifie de marxiste (ce qui, sous sa plume, est un reproche) et de
l’autre me dit que c’est Marx qui a raison contre moi. Or, je ne m’oppose
pas à Marx et je pense même lui être fidèle en distinguant le procès de
travail en général et le procès de travail capitaliste et en caractérisant
la valeur comme une fraction du travail social (je pourrais ajouter
validé, mais ce serait une redondance car le travail social,
c’est justement celui qui est validé). C’est Alain Caillé qui se range
selon moi, à son corps défendant, dans le rang des marxistes, mais qui
sont peut-être peu marxiens.
- 8. Je
n’en reparle pas ici, mais c’est aussi la croyance de Bernard Friot. Voir
mon livre.
- 9. Le
18 novembre 2013.
- 10. A.
Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des
nations, 1776, Paris, GF-Flammarion, 1991, tome 1, p. 417.
- 11. Je
propose dans mon livre une réexposition du modèle présenté par Marx
(repris de Senior) du fabricant de pianos, du pianiste et de la chanteuse
« qui chante comme un oiseau ». Je reproduis dans un encadré un
extrait de mon livre dans un encadré à la fin de ce texte.
- 12. Assuré
dans le sens où on le dit d’une cordée de montagne.
- 13. K.
Marx, Principes d’une critique de l’économie politique,
1857-1858, dans Œuvres, Paris, Gallimard, La Pléiade,
1968, tome II, p. 242.
- 14. K.
Marx, Matériaux pour l’économie (Théories sur la
plus-value), 1861-1865, dans Œuvres, Paris, Gallimard, La
Pléiade, 1968, tome II, p. 393.
Jean-Marie
Harribey [7]
Links