29/6/16

Marx, un spectre qui ne hante plus les Science studies? — II

Karl Marx ✆ Hosoya 
Jérôme Lamy & Arnaud Saint-Martin
Abandonné dans les années 1990, le corpus marxiste n’est plus une référence pour les Science studies, devenues discipline dominante. Une série de théories (de l’acteur-réseau à la Triple hélice, en passant par la Nouvelle production des savoirs) envisage les articulations entre sciences et politique sur le mode d’un alignement très général aux formes contemporaines de la marchandisation des connaissances. La fluidité des relations le dispute à la disparition souhaitée de l’État. Cependant, au début des années 2000, c’est un autre Marx qui resurgit : ses travaux sur l’interaction métabolique entre la nature et les activités humaines sont reconfigurés aux formes d’une sociologie résolument écologiste. Le retour du refoulé semble ne plus avoir de limites, puisque les textes des historiens marxistes d’avant le second conflit mondial, comme Edgar Zilsel, sont republiés, et que la généalogie des Science Studies n’exclut plus, dans son histoire officielle en cours de constitution, cette matrice marxiste.
« Et en plus de cela, j’étudie aussi Comte en ce moment, puisque les Anglais et les Français font tant de bruit autour de ce type. Ce qui les aguiche, c’est son côté encyclopédique, la synthèse. Mais c’est lamentable comparé à Hegel […]. Et cette merde de positivisme est parue en 1832 ! » Karl Marx, Lettre à Friedrich Engels, 7 juillet 1866.
La béance des nineties : Marx oublié
1. La configuration des années 1990 marque un reflux net des références à Marx dans les principaux travaux STS. Quelques tentatives pour articuler encore le corpus marxien aux problématiques STS mettent en évidence des tiraillements, des ambiguïtés et des oublis soigneusement entretenus.

2. William Lynch et Elisworth Fuhrman relisent, en 1991, pour la revue Science, Technology & Human Values 1, l’ouvrage fondateur du programme fort:Knowing as Social Imagery, édité en 1976 2. L’accent mis par Bloor sur la neutralité morale contraste sérieusement avec la posture marxiste qui ne vise pas à expliquer le monde mais à le transformer. Lynch et Fuhrman remarquent que l’économie politique est un savoir aliéné (aliened knowledge), insuffisamment réflexif et finalement hors de contrôle 3. Repartant de L’idéologie allemande, les deux auteurs insistent sur la construction perpétuelle de la nature, comprise à travers les études physiques et chimiques. L’homme, comme élément du monde, participe à sa construction; les savoirs qu’il produit servent toujours des intérêts qu’il convient de repérer et de révéler 4. Michael Lynch répond, en 1992, aux propositions de Lynch et Fuhrman. Il leur reproche d’abord de proposer un retour en arrière des Social Studies of Knowledge (SSK), par le truchement de ce qu’il appelle le « tour complet » (full circle) opéré par l’historiographie passant de Mannheim à Marx. Il refuse que les SSK soient transformées en régime d’analyse métacritique bureaucratique et pointe les dangers d’un utopisme heuristique 5. Sa position clairement apolitique permet à Lynch et Fuhrman de signaler l’inconsistance critique de Michael Lynch. Ils remarquent que même la démarche ethnométhodologique la plus pure n’est jamais délestée d’enjeux politiques, et que toutes les micro-interactions sont socialement et politiquement situées 6. Il n’est peut-être pas inutile de le rappeler. Gary Werskey remarque en effet que les STS, britanniques en particulier, ont dû passer l’épreuve du thatchérisme triomphant. Suivant les analyses d’Eric Hobsbawm sur la défaite politique et intellectuelle de la gauche dans les années 1980, il souligne qu’on assiste à un « échec du spectre socialiste dans son entier » 7.

3. Question de génération, aussi. Steven Shapin, dans un texte réflexif sur les conséquences des positionnements internalisme/externalisme en histoire et en sociologie des sciences, reconnaît que sa génération (« the sons and daughters of luxury ») a été plus intéressée par la description des rites de purification des disciplines que par la transformation du monde 8. La neutralité axiologique du programme fort, visant initialement à se déprendre des positions d’autorité que le discours scientifique permet d’adopter a priori, a pour effet paradoxal de dépolitiser progressivement le discours STS. Plus exactement, nous dirions qu’un certain nombre de théories STS se sont politisées dans un sens opposé à celui qui était le leur au départ. Nous prendrons ici appui sur trois grandes théories emblématiques des STS: la théorie de l’acteur-réseau, la New Production of Knowledge et la triple hélice 9. Bien reçu dans l’ensemble des publications STS (Social Studies of Science et Science, Technology and Human Values principalement), ces ensembles conceptuels engagent une certaine vision du monde (social et scientifique) qui n’est pas sans rapport avec les transformations politiques à l’œuvre au cours des années 1990, avec l’affirmation des politiques néolibérales. Afin de ne pas alourdir notre propos inutilement, nous nous contenterons de repérer les éléments qui, dans chacune des théories, renvoient à des façons de politiser les rapports sciences/société, sans entrer dans le détail des argumentaires et des démonstrations.

4. La théorie de l’acteur-réseau (Acting-Network Theory [ANT]), formulée par Bruno Latour et Michel Callon, se focalise sur le suivi des acteurs et des énoncés 10. Pour qu’un fait scientifique s’impose, le scientifique s’oblige à recruter d’autres scientifiques, à les intéresser à sa démarche en produisant une « traduction » (comme résolution des tensions entre pureté des énoncés et nécessité d’amodiation). Le réseau devient alors ce maillage d’alliés qui rend indispensables l’énoncé et celui qui le porte. Plus les connexions sont nombreuses, plus l’énoncé est robuste, les liens recoupés ne pouvant plus être défaits sans un coût scientifique exorbitant pour les opposants. L’ANT produit, a minima, une réduction des entités socio-historiques classiques (institutions, État) et vise le dépassement de la notion de société. Un seul exemple : lorsque Joliot-Curie travaille, en 1939, sur le ralentissement des neutrinos et l’approvisionnement en uranium, il négocie avec la particule et avec le ministre. Les entités humaines, dans un retour à l’hylozoïsme présocratique 11, ne sont plus discernables et s’imposent en actants d’un réseau toujours plus vaste. Dans ce monde social aplani, les concepts marxiens n’ont tout simplement pas de sens : la critique, les antagonismes, les rapports de classes sont totalement étrangers à la sociologie latourienne. Plus récemment, des auteurs ont pointé les affinités électives et les similitudes troublantes entre les valeurs du néo-libéralisme (sur la redéfinition perpétuelle des réseaux) et l’ANT 12. Si l’ANT n’a pas la prétention d’être une théorie politique prête à l’emploi, elle n’en véhicule pas moins une intention de reconfiguration politique, qui s’accorde relativement bien aux transformations globales des sociétés néolibérales contemporaines 13.

5. La NPK assume, quant à elle, ses visées politiques prescriptives. Formulée en 1994 dans un court ouvrage 14 sans recherches empiriques de première main, la matrice théorique de la NPK repose sur le découpage de l’histoire des sciences en deux grands modes : le premier correspond à un fonctionnement disciplinaire équanime dans la sélection et la diffusion des connaissances, le second apparaît depuis la Seconde Guerre mondiale et se caractérise par une trandisciplinarité dynamique et l’alignement d’intérêts nombreux dépassant ceux de la seule science. Flexibilité, réactivité et souplesse caractérisent un « mode 2 » détaché des contingences étatiques. Globalement, la place réduite des formes de décisions collectives (l’État, les communautés savantes) est conforme à un mode de dérégulation néolibérale que les auteurs appellent d’ailleurs de leurs vœux. Là encore, le marxisme est aux antipodes des valeurs politiques sous-tendues par le projet de NPK, il est donc à peu près normal de n’en pas trouver trace.

6. Dernière théorie emblématique des STS des années 1990, la théorie de la « triple hélice ». Portée par Loet Leydesdorff et Henry Etzkowitz, cette modélisation de l’activité scientifique depuis la fin du second conflit mondial repose sur des relations « en triple hélice » entre l’université, l’industrie et le gouvernement, qui s’entrecroisent, s’influencent et se façonnent mutuellement 15. La spirale ainsi constituée, sous la forme d’une co-évolution permanente, produit de nouvelles structures d’innovation scientifique et technique. Dans la triple hélice, la place du politique n’est guère explicitée, mais globalement les instances exécutives doivent favoriser le déroulement du processus interactif spiralaire, sans chercher à agir sur l’économie. Leydesdorff et Etzkowitz présentent très explicitement leur travail comme un cadre performatif qu’ils proposent aux acteurs politiques (des pays du Sud notamment) pour optimiser leur gouvernance scientifique. Là encore, et malgré la dénégation des concepteurs de la triple hélice, qui considèrent comme obsolète l’opposition entre laisser-faire libéral et État interventionniste, le procès spiralaire repose sur une disparition (relative) du politique et des instances collectives de régulation des rapports sociaux dans le domaine scientifique. Dans la triple hélice, Marx est présenté comme celui qui a pensé les rapprochements entre sciences et industrie à partir des recherches de Perkins sur les colorants, mais aussi qui a été incapable de saisir l’importance des procédures de communication et de codification dans la volatilité informationnelle 16. La théorie de la « destruction créatrice » de Schumpeter est privilégiée comme soubassement théorique à la triple hélice 17.

7. On le voit, l’adhésion (plus ou moins forte, et nous simplifions à dessein) aux valeurs générales d’une pratique scientifique dérégulée en régime néolibéral rend inutile, dans les principales théories STS, la référence à Marx. Globalement, la neutralité revendiquée par le programme fort a fait place à un engagement performatif dans le mainstream politico-économique des années 1990. Les théories STS en pointe font écho (positivement) aux grandes lignes de la dérégulation. Il n’est plus guère possible d’accommoder Marx à ce nouveau corpus de valeurs, et le spectre s’estompe peu à peu.
Marx écologiste : des provignements inattendus
8. La question des rapports homme/nature sourd à travers toute l’histoire des STS. Parce qu’elles ont posé, au principe de leur démarche, un déplacement du questionnement heuristique, les STS envisagent, dans la multiplicité des approches engendrées, une redistribution des catégories « classiques » de l’analyse sociohistorique. La démarcation homme/nature n’est plus une évidence, ou à tout le moins, elle est une évidence suspectée. À l’aune d’une épistémologie anti-essentialiste, elle est perçue comme un schème culturel réifié et hérité du passé, une pétition de principe du point de vue logique, ou bien encore un argument d’autorité véhiculant des intérêts sociaux. Nous ne prendrons ici que deux exemples de cette déconstruction d’un « allant de soi » des sciences sociales. D’abord, dans le « programme fort », dont David Bloor donne les grandes lignes dans Knowledge and Social Imagery, paru en 1976 : « S’il est concevable que l’explication dépende d’évaluations antérieures, alors les processus causaux qui sont supposés opérer dans le monde viendront refléter les patterns de ces évaluations. […] La nature revêtira une signification morale, reconduisant et incarnant le vrai et le juste. Ceux qui ont tendance à se livrer des explications asymétriques auront donc l’opportunité de représenter comme naturel ce qu’ils prennent pour acquis » 18. Les pratiques scientifiques ne peuvent jamais traduire la nature en tant que telle, elles engramment toujours des contenus de significations d’ordre social, politique ou culturel, qui rabattent le discours savant du côté de l’artefactuel, bref du construit. Autrement dit, tenter de travailler la suture du naturel et du construit relève d’une fiction sociale (une « asymétrie de principe », pour reprendre le lexique fortiste) qui ne produit que des réifications plus ou moins sophistiquées de positions sociales occultées ou négligées. Et la spirale des évaluations de persévérer dans l’absolue croyance de la vérité de droit des prétentions dont elles sont le symptôme discursif.

9. Dans la foulée (donc « post ») du programme fort, Bruno Latour a mis en œuvre une version personnelle et modulable de la théorie de l’« acteur-réseau » (ANT) qui s’interdit a priori de distinguer les qualités des ressources qu’un acteur mobilise pour arriver à ses fins, et plus encore de penser ce genre de phénomène, car il ne s’agit pas d’une théorie de l’actionà échelle humaine. « Humains » et « non-humains » s’enchaînent en une diagonale infinie de « relations » qui se nouent en « faits », dont la robustesse est fonction de l’intensité du réseau ainsi constitué. Le savant qui relie sa découverte à un ensemble de « nœuds » (objets, individus, outils, pairs…) travaille à la fortification de ses propositions (la remise en cause ne pouvant advenir qu’au prix d’un dénouement continu de tous les liens constitués) 19. L’ANT repose, chez Latour - on met de côté ici les autres versions proposées par les auteurs plus ou moins proches de l’acteur Latour - sur une proposition philosophique (théologique ?) forte : la modernité s’est constituée autour d’un discours valorisant la séparation des humains et des non-humains, de l’artefactuel et du naturel, tout en pratiquant (plus ou moins discrètement) le contraire, c’est-à-dire des montages toujours « hybrides », des arrimages croisés 20. Distinguer ce qui relève du social et ce qui relève de la nature revient dès lors à constituer des chimères et, sur le plan cosmopolitique, à faire persister un « Grand Partage » qui n’a de sens qu’en tant qu’il s’inscrit dans la trame historico-culturelle de l’Occident.

10. Les conséquences de cette redéfinition des catégories usuelles des sciences sociales sont immenses lorsqu’il s’agit d’aborder la place de l’écologie, entendue comme pratique politique de la nature. Dans un essai complexe (et pour tout dire assez surréaliste par moments), Latour se propose de redéfinir les Politiques de la nature (2004) 21. Il propose de dépasser la notion de « nature » (qui résulte donc d’un partage politique et non d’un constat de la « réalité »), pour engager une réflexion autour des « collectifs » constitués d’humains et de non-humains prêts à définir des mondes communs. L’écologie politique est alors le nom d’un projet qui consiste à résoudre des problèmes simultanément politiques, moraux, légaux, scientifiques et techniques. La nature en est un élément parmi d’autres.

11. Ce long détour par le canon STS et ses déclinaisons écologistes permet d’envisager les écarts qui séparent la « nouvelle » sociologie des sciences d’une sociologie environnementaliste très inspirée par les thèses de Marx. L’un des auteurs les plus prolifiques sur la question est John Bellamy Foster, professeur de sociologie à l’université de l’Oregon. Dans une série d’articles (traduits en français en 2011 sous le titre Marx écologiste 22), il propose un retour sur les arguments écologistes de Marx et sur les fondements d’une sociologie environnementaliste marxiste.

12. Bellamy Foster rejette l’idée que Marx se soit désintéressé de la question écologiste sous prétexte qu’il appartenait au xixesiècle 23. Marx a lu les travaux du chimiste allemand Justus von Liebig, notamment sa Chimie agricole, parue en 1840 (et rééditée avec une introduction vigoureuse en 1862), dans laquelle il est avancé que l’agriculture intensive britannique constitue une « spoliation » : « le transport sur de longues distances de nourriture et de fibres depuis les campagnes jusqu’aux villes, sans que rien ne soit prévu pour assurer la remise en circulation des nutriments comme l’azote, le phosphate, le potassium, qui sous forme de déchets humains et animaux [vont] grossir les déchets et la pollution des villes » 24. L’appauvrissement des sols, estime Liebig, appelle une solution d’amendement grâce au guano sud-américain, dont les réserves sont rapidement épuisées. Marx en prend acte et constate la robustesse de l’argumentation contre l’agriculture moderne et ses conséquences. Marx, souligne donc Bellamy-Foster, tire des conclusions radicales de cette critique de la pratique intensive : d’abord « le capitalisme a rompu […] l’interaction métabolique entre les êtres humains et la terre ; il est indispensable de rétablir ce lien ; le cadre capitaliste est définitivement nuisible à la restauration d’une certaine harmonie des cycles métaboliques, l’industrie, le commerce et l’agriculture s’associant dans la destruction systématique des ressources naturelles » 25. Cette démonstration, capitalisant sur une rupture métabolique et réitérée dans plusieurs passages du Capital, n’épuise pas, d’après Bellamy-Foster, la perspective écologiste de Marx. Il faut également en revenir à la thèse de Marx sur Épicure pour suivre le fil marxiste d’un matérialisme de la nature. Le philosophe grec rejetait l’idée d’un finalisme religieux dans la nature, et arguait contre l’idée d’une « rupture brusque » entre les humains et les animaux 26. Mais plus encore que les auteurs antiques, l’influence de contemporains, et de façon majeure celle de Darwin, doit être approfondie. La référence à Darwin permet au philosophe allemand de comparer les organes à des « technologies naturelles » dont l’usage plus ou moins adapté au milieu environnant participe de la sélection naturelle des espèces. En effet, l’homme fait de la nature un « organe de son activité » 27, une technologie pour son propre maintien dans l’ordre naturel. La réflexion marxiste sur les rapports de l’homme à la nature est inséparable d’un matérialisme radical qui fait se composer les investissements technologiques artefactuels et naturels. John Bellamy Foster ne fait pas seulement œuvre d’exégète écolo-marxiste, il envisage de replacer Marx et ses propositions dans la généalogie intellectuelle d’une sociologie environnementale qui peine à définir son périmètre académique 28, hésitant par moments entre la sociologie politique ou la sociologie des sciences. L’idée généralement adoptée par les sociologues environnementalistes était que la théorie sociologique classique (Marx, Weber, Durkheim, pour faire simple) n’était d’aucune utilité à la fondation d’une sous-discipline consacrée à l’étude des questions écologiques et naturelles. Et nous passons sur les subtilités des étiquettes, entre la sociologie environnementale et la sociologie de l’environnement notamment. Cette « vision dominante » d’une sociologie basée « dans sa période classique sur une conception du monde humaniste qui mettait l’accent sur ce en quoi l’être humain se distinguait de la nature » 29 permet de dresser, à peu de frais, des procès en « anthropocentrisme ». Réduisant sa focale au seul Marx, Bellamy Foster fait la liste des poncifs associés à la sociologie marxiste dans son versant naturaliste : « prométhéisme » à la Giddens, démiurgisme inséparable du désastre soviétique, cécité aux problèmes de la rareté des ressources, etc. Les propositions de Marx sur la rupture métabolique, éparses mais solides, battent en brèche ces interprétations hâtives et superficielles. Mais si les vues de Marx ont été aussi pénétrantes sur une analyse sociologique des dégradations environnementales, comment se fait-il qu’elles aient été rejetées hors du grand récit auto-instituant la discipline sociologique ? Bellamy Foster avance deux explications : « le problème de l’appropriation » et le « problème définitionnel » 30. L’appropriation tient à une disruption temporelle : les propositions de Marx ont eu une influence directe sur les marxistes de la fin du xixesiècle et du début du xxesiècle : Kautsky (son livre la Question agraire[1899] traite notamment de la pollution des sols), Lénine (qui évoque la question des déchets) et Boukharine surtout (qui traite dans son Historical Materialism des équilibres entre la société et la nature [1965]) livrent une gerbe de réflexions nouvelles sur la question environnementale et ses liens avec la critique sociale. La rupture du stalinisme avec l’écologie, dans les années 1930, démonétisa complètement les propositions marxistes sur la nature et l’environnement 31. Ce n’est qu’à la suite des travaux de l’École de Francfort que Marx connut un retour en grâce écologiste, surtout chez les agronomes 32. Qui plus est, la méconnaissance du troisième livre duCapital a longtemps interdit une appropriation sociologique des thèses de Marx. Le problème définitionnel est, lui, centré sur la délimitation contrariée d’une aire conceptuelle cohérente pour la sociologie environnementale. Voulant rompre avec l’anthropocentrisme (supposé) de la sociologie classique, les environnementalistes ont souhaité adopter une position « écocentrique » 33. Bellamy Foster remarque qu’il s’agit là d’une reconstruction abusive, d’une « fausse dichotomie » réifiant les catégories honnies de nature et de société, et courant le risque « de perdre de vue la construction sociale d’une bonne partie du “monde naturel” » 34.

13. La logique marxiste d’un antagonisme fondamental des forces de production est donc à l’œuvre dans la « rupture métabolique » qui réorganise le flux des ressources au profit du capital, sans néanmoins qu’un retour de ces éléments essentiels soit envisagé pour la terre. Oubliée par les programmes productivistes soviétiques et rejetée au nom d’un préjugé anthropocentrique, la sociologie marxiste environnementale connaît donc une réactivation critique sous la plume de John Bellamy Foster 35 et de quelques autres (on pense ici à Paul Burkett, avec qui Bellamy Foster a signé plusieurs articles36). Surtout, un élément manque dans ce tableau impressionniste des filiations intellectuelles au sein de la sociologie : aucune connexion n’est établie avec les STS. Pourtant, les articulations (y compris critiques) sont envisageables : de l’attention que les sociologues environnementalistes portent à la rupture anthropocentrisme/écocentrisme, on s’attendrait à trouver quelques échos dans les propositions de Latour sur sa constitution écologique. Rien, néanmoins. Formulons une hypothèse : les références marxistes au sein des STS ont, nous l’avons vu, surtout traité de la relation science/société, du déterminisme technologique et de l’heuristique antagoniste ; il s’agit là d’une lecture somme toute classique de l’œuvre de Marx (la même que celle entreprise par les sociologues environnementalistes) ; les propositions marxistes sur l’écologie ne se trouvent pas dans les vulgates et supposent un retour informé au Capital. Parce qu’il fraie loin des questions de structures, d’État et d’institutions, mais aussi parce qu’il navigue à distance de la sociologie environnementaliste (sur les flots toujours irisés de la métaphysique hybride), un auteur comme Latour ne peut pas être concerné (à double titre donc) par une approche marxiste des questions sociologiques. Notons toutefois, pour finir sur ce point, que des jonctions, des approches voisines, des questionnements convergents nous paraissent conceptuellement évidents entre ces deux mondes qui cependant s’ignorent, pour des raisons qu’on n’épuisera pas ici, mais qu’il serait utile d’envisager à l’avenir 37.
Le retour du refoulé?
14. Vers les années 2000, on observe un retour de Marx. Tout l’enjeu est de comprendre de quel Marx il s’agit. C’est un retour subreptice d’abord, par l’historiographie et la résurrection de figures oubliées. Ainsi Edgar Zilsel, qui a servi de « cheval de Troie » marxiste dans les linéaments des STS, est à nouveau mobilisé au début des années 200038. Autre exemple d’un retour en grâce des thèses marxistes : en 2006, à l’université de Princeton, un workshop intitulé Science at the Crossroads : Geopolitics, Marxism, and Seventy-Five Years of Science Studies fait le bilan des percolations marxistes dans les Science studies en repartant du congrès de 1931 et des propositions de Boris Hesse. Gary Werskey 39, « M. invisible college »,envisage, à cette occasion, une chronologie de la longue durée pour penser la critique marxiste des sciences capitalistes en ne se limitant pas aux seules Science studies. Sa communication sera finalement publiée dans la revue Science as Culture (haut lieu de la « radicalité chic » STS), accompagnée de deux courts commentaires de Steve Fuller 40 et Christopher Hamlin 41. On le voit, c’est d’abord dans l’espace historiographique que le marxisme fait retour en hantant de nouveau les STS. D’une certaine manière, ce retour par l’histoire de la discipline perpétue la dépolitisation des thèses marxistes sur l’étude des sciences, puisqu’il constitue d’abord une prise de position épistémologique (quelle part faire aux interprétations marxistes dans une généalogie intellectuelle complexe ?). La critique sociopolitique du marxisme est, dans cet exercice bénin d’autolégitimation patrimoniale, sinon oubliée, du moins très largement minorée. Le spectre de Marx n’est plus ici qu’une pâle image projetée sur un arbre généalogique dont on élève les branches jusqu’à des pères fondateurs comme Hessen ou Zilsel. Toutefois, c’est par la sociologie environnementaliste que la critique marxiste des sciences a récemment retrouvé une certaine vigueur politique.

15. C’est contre ce readership que Jacques Derrida s’insurge dans Spectres de Marx. Bien qu’il ne se soit pas répandu sur son rapport à Marx– c’est qu’il tenait le dogme en horreur et, parmi d’autres motifs, a longtemps tenu à marquer ses distances avec la clique althussérienne –, il pointe l’inanité de « l’injonction de Marx aujourd’hui ». Il n’est pas inutile de le citer longuement : « Ce qui risque d’arriver, c’est qu’on tente de jouer Marx contre le marxisme afin de neutraliser ou d’assourdir en tout cas l’impératif politique dans l’exégèse tranquille d’une œuvre classée. On sent venir une mode ou une coquetterie à cet égard dans la culture et plus précisément dans l’université. […] Ce stéréotype récent serait destiné, qu’on le veuille ou non, à dépolitiser en profondeur la référence marxiste, à faire de son mieux, en offrant le visage de la tolérance, pour neutraliser une force potentielle, d’abord en énervant un corpus, en y faisant taire une révolte. […] Au nom d’un vieux concept de la lecture, une telle neutralisation en cours [ici ?!] tenterait de conjurer un danger : maintenant que Marx est mort, et surtout que le marxisme paraît en pleine décomposition, semblent dire certains, on va pouvoir s’occuper de Marx sans être dérangé. […] On va en traiter sereinement, objectivement, sans partis pris : selon les règles académiques, dans l’université, en bibliothèque, dans des colloques ! » 42. Marx, donc, en « grand philosophe » pour philosophes ; Marx, référence malléable pour les besoins intellectuels d’exégètes en pantoufles. Facile à dire, n’est-ce pas, surtout lorsqu’on dispose de l’autorité d’un Derrida, déconstructeur crépusculaire ? Un mécanisme, tellement effectif dans les champs de production intellectuelle, est néanmoins pointé : l’exorcisme, la neutralisation, Marx fétiche pour lector. Cependant, loin de nous la tentation d’en revenir à Marx sans y réfléchir à deux fois. Il n’est pas certain, par exemple, que nous soyons prêts à tirer toutes les conséquences pratiques de la critique marxiste des technosciences, à faire nôtre le marxisme « vulgaire » d’un Boris Hessen, à abonder dans le sens politique de la sociologie soviétique des sciences, à citer Mao dans le texte. Ce que nous interrogeons en revanche, sans cacher d’ailleurs nos partis pris et notre manque de sérénité, c’est l’endogénisation d’un discours « critique » des STS, lesquelles s’illusionnent dans leur pouvoir de transformation du monde : « perfomativité », « traduction », « co-construction », combien de papiers n’ont-ils pas été commis en ces noms ?

16. L’exercice de spectrologie auquel nous nous sommes livrés, dans l’incomplétude qu’une enquête configurationnelle nous imposaient, donne à voir la figure de Marx dans des incandescences variables. Les STS, dans leurs débuts frondeurs et radicaux, ont puisé aux sources du marxisme les éléments d’une critique argumentée de la science comme forme constituée de la domination. Reprenant le fil d’une historiographie des sciences, marxiste en pointillés depuis les années 1930, Shapin, Schaffer et même Latour éprouvent la matrice théorique développée par Marx jusqu’au début des années 1980. Puis, cherchant la légitimité académique autant qu’épistémologique, les STS ont composé avec un marxisme mezza voce, puis murmuré avant d’être oublié. Les discussions autour de la question des machines et du déterminisme technologique emblématisent ce revirement progressif : d’abord centrales, la notion de rapport de force et la puissance politique subversive de Marx sont contournées, amodiées, et finalement « retournées ». Le marxisme cesse même, tout au long des années 1990, de nourrir un discours critique sur les sciences (qui par ailleurs n’existe presque plus). Devenues un espace épistémique consacré (en témoignent la création de départements spécifiques sur les campus américains, et l’implantation des thèses ANT en France), les STS délaissent, dans une rationalisation scolastique subreptice, les références critiques et les positions politiques radicales. En phase avec les valeurs néolibérales qui structurent l’horizon sociopolitiques de la fin du xxesiècle, la doxa STS propose une vision irénique du monde scientifique, dans laquelle les controverses sont les seules formes d’opposition légitimes. C’est une critique sociale de la skholè STS qu’il serait peut-être bon d’engager. Pierre Bourdieu, pas à une pique près sur les théoriciens californiens, en livre l’épure dans ses Méditations pascaliennes : « Cas idéaltypique [de la raison scolastique], l’université de Californie à Santa Cruz [équivalent de celle de San Diego, où les STS ont fait souche dans les années 1980], haut lieu du mouvement “postmoderniste”, archipel de collèges dispersés dans une forêt et qui ne communiquent que par Internet, a été construite dans les années soixante, au sommet d’une colline, à proximité d’une station balnéaire pour retraités aisés, sans industries : comment ne pas croire que le capitalisme s’est dissous dans un “flux de signifiants détachés de leurs signifiés”, que le monde est peuplé de “cyborgs”, “cybernetic organisms”, et que l’on est entré dans l’ère de l’“informatics of domination” lorsque l’on vit dans un petit paradis social et communicationnel, d’où toute trace de travail et d’exploitation a été effacée ? » 43.

17. Le retour du refoulé, à la faveur d’une décennie 2000 marquée par les premiers accents critiques, s’accompagne d’une redécouverte opportune (et opportuniste) d’un marxisme réactivé d’abord dans l’historiographie (le plus sûr moyen de tenir à distance les charges subversives dont il est potentiellement porteur). Si Marx est un spectre qui hante les STS, c’est au sens d’une hantise de voir contester les fondements institués d’une « discipline » initialement associée à l’exercice d’une critique radicale des pouvoirs. Le spectre de Marx nous regarde donc, sans trembler, faire (collectivement) des usages plus ou moins renouvelés de ses projections et de ses représentations. Nous portons (nous, jeunes chercheurs) une responsabilité dans la réévaluation qui préside à tout travail socio-historique. « Les parents ont mangé les raisins verts et les enfants en ont eu les dents agacées » (Livre d’Ézéchiel, XVIII, 2) ; le péché originel des STS est une chance pour (re)formuler un projet scientifique appuyé sur une réflexivité politique rigoureuse. Le marxisme, dans cette perspective, n’est pas seulement une ressource historiographique commode, parant d’un label de radicalité confortable n’importe quelle démarche un tant soit peu critique. Il donne matière à penser les articulations de nos pratiques socio-historiques toujours à renouveler aux enjeux politiques que nous traversons autant qu’ils nous traversent.
Notes
1 William T. Lynch, Elisworth, R. Fuhrman, « Recovering and Expanding the Normative : Marx and the New Sociology of Scientific Knowledge », Science, Technology & Human Values, vol. 16, n° 2, 1991, p. 233-248.2 David Bloor, Knowledge and Social Imagery, Londres, Routledge & Paul Kegan, 1976.3 William T. Lynch, Elisworth, R. Fuhrman, op. cit., p. 240-241.4 Ibidem, p. 242-244.5 Michael Lynch, « Going Full Circle in the Sociology of Knowledge : Comment on Lynch and Fuhrman », Science, Technology, & Human Values, vol. 17, n° 2, 1992, p. 228-233.6 William T. Lynch, Elisworth, R. Fuhrman, « Ethnomethodology as Technocratic Ideology : Policing Epistemic Boundaries », Science, Technology, & Human Values, vol. 17, n° 2, p. 234-236.7 Gary Werskey, « The Marxist Critique of Capitalist Science : A History in Three Movements ? », Science as Culture, vol. 16, n° 4, 2007, p. 443.8 Steven Shapin, art. cit., p. 357.9 Sur ces trois points, nous nous permettons de renvoyer à Jérôme Lamy, « Penser les rapports entre sciences et politique : enjeux historiographiques récents », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, n° 102, octobre-décembre 2007, p. 9-32.10 L’ANT a été formulée en une série d’ouvrages et d’articles dont on peut citer les principaux : Bruno Latour, Steve Woolgar, La vie de laboratoire. La production des faits scientifiques, Paris, La Découverte, 1988 ; Michel Callon, (éd.), La science et ses réseaux. Genèse et circulation des faits scientifiques, Paris, La Découverte, Conseil de l’Europe, UNESCO, 1989 ; Michel Callon, « Éléments pour une sociologie de la traduction. La domestication des coquilles Saint-Jacques et des marins-pêcheurs dans la baie de Saint-Brieuc », L’Année sociologique, vol. 36, 1986, p. 169-208 ; Michel Callon, Bruno Latour, (éd.), La science telle qu’elle se fait. Anthologie de la sociologie des sciences en langue anglaise, Paris, La Découverte, 1991 ; Bruno Latour, Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique, Paris, La Découverte, 1991 ; Bruno Latour, L’espoir de Pandore. Pour une vision réaliste de l’activité scientifique, Paris, La Découverte, 2001 ; Bruno Latour, La science en action. Introduction à la sociologie des sciences, Paris, Gallimard, 1995 ; Bruno Latour, Pasteur : guerre et paix des microbes, [suivi de]Irréductions, Paris, La Découverte, 2001 ; Bruno Latour, « Les « vues » de l’esprit. Une introduction à l’anthropologie des sciences et des techniques », Culture technique, n° 4, 1985, p. 5-29 ; Bruno Latour, Changer la société. Refaire de la sociologie, Paris, La Découverte, 2006.11 Simon Schaffer, «The Eigtheenth Brumaire of Bruno Latour», Studies in History and Philosophy of Science, vol. 22, 1991, p. 174-192.12 Dominique Pestre, 2004, « Thirty Years of Science Studies : Knowledge, Society and the Political », History and Technology, vol. 20, n° 4, p. 366 ; Luc Boltanski, Ève Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999, p. 208-238.13 Cf. Francis Chateauraynaud, « Force et faiblesse de la nouvelle anthropologie des sciences », Critique, n° 529-530, 1991, p. 459-478.14 Michael Gibbons, Camille Limoges, Helga Nowotny, Simon Schwartzman, Peter Scott, Martin Trow, The new production of knowledge. The dynamics of science and research in contemporary societies, Londres, Sage Publications, 1994.15 Loet Leydesdorff, Henry Etzkowitz, « Emergence of a triple helix of university-industry-government relations », Science and Public Policy, vol. 23, 1996, p. 279-286 ; Henry Etzkowitz, Loet Leydesdorff, « The future location of research : a triple helix of university-industry-government relations II », EASST Review, vol. XV-4, 1996, p. 20-25 ; Henry Etzkowitz, Loet Leydesdorff (eds.), A Triple Helix of University-Industry-Government Relations : The Future Location of Research ?, New York, Science Policy Institute, State University, 1998 ; Loet Leydesdorff, Henry Etzkowitz, « Technology innovation in a triple helix of university-industry-government relations, Asia Pacific tech », Monitor, vol. 15-1, 1998, p. 32-38 ; Loet Leydesdorff, Henry Etzkowitz, « The Triple Helix as a model for innovations studies », Science and Public Policy, vol. 25, 1998, p. 195-203 ; Henry Etzkowitz, Loet Leydesdorff, « The endless transition : a « triple helix » of university-industry-government relations», Minerva, vol. 36, 1998, p. 203-208 ; Loet Leydesdorff, Henry Etzkowitz, « Triple Helix of innovation : introduction », Science and Public Policy, vol. 25, 1998, p. 358-364 ; Loet Leydesdorff, Henry Etzkowitz, « Emergence of a Triple Helix of university-industry-government relations », Science and Public Policy, vol. 23, 1996, p. 279-286 ; Loet Leydesdorff, Henry Etzkowitz, « Le “Mode 2” et la globalisation des systèmes d’innovation “nationaux”. Le modèle de la triple hélice des relations entre université, industrie et gouvernement », Sociologie et Sociétés, vol. XXXII-1, 2000, p. 135-156.16 Ibidem, p. 146.17 Ibidem, p. 140.18 D.Bloor, op. cit., p. 9.19 Bruno Latour, La science en action. Introduction à la sociologie des sciences, Paris, Gallimard, 1989.20 Bruno Latour, Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique, Paris, La Découverte, 1991.21 Bruno Latour, Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La Découverte, 1994.22 John Bellamy Foster, Marx écologiste, Paris, Éditions Amsterdam, 2011.23 Ibidem, p. 10.24 Ibidem, p. 12.25 Ibidem, p. 15-16.26 Ibidem, p. 19.27 Ibidem, p. 21.28 Ibidem, p. 37.29 Ibidem, p. 39.30 Ibidem, p. 73.31 Ibidem, p. 79.32 Ibidem, p. 80.33 Ibidem, p. 83.34 Ibidem, p. 83.35 On se réfèrera notamment à John Bellamy Foster, Marx’s Ecology. Materialism and Nature, New York, Monthly Review Press, 2000.36 Paul Burkett, John Bellamy Foster, « Metabolism, energy, and entropy in Marx’s critique of political economy : Beyond the Podolinsky myth », Theory and Society, vol. 35, n° 1, 2006, p. 109-156 ; Paul Burkett, « Marx’s reproduction schemes and the environment », Ecological Economies, vol. 49, 2004, p. 457-467 ; John Bellamy Foster, Paul Burkett, « Classical Marxism and the Second Law of Thermodynamics. Marx/Engels, the Heat Death of the Universe Hypothesis, and the Origins of Ecological Economics », Organization & Environment, vol. 21, n° 3, 2008, p. 3-37 ; John Bellamy Foster, Paul Burkett, « The Dialectic of Organic/Inorganic Relations »,Organization & Environment, vol. 13, 2000, p. 403-425.37 La situation est un peu différente dans le domaine des sciences politiques. Dans son ouvrage Capitalism, Democracy, and Ecology. Departing from Marx (Chicago, University of Illinois Press, 1999), Timothy W. Luke rapproche les « assemblées hybrides » de Latour (composées d’humains et de non-humains) des propositions de Marx concernant les marchandises simultanément réelles, narratives et collectives (Ibidem, p. 38-39). Il juge toutefois que Marx fournit une critique des réflexions de Latour sur la notion de collectivisation (collectivization) (Ibidem, p. 39). Mais Marx condamne les effets destructeurs de cette association des individus et des agents (Ibidem, p. 39-40).38 Edgar Zilsel, The Social Origins of Modern Science, Dordrecht, Kluwer Academic Publisher, 2001. Ce recueil reprend les principaux textes socio-historiques de Zilsel ; il est précédé d’une introduction conséquente rédigée par Diederick Raven et Wolfgang Krohn, qui ont permis la republication, en 2000, de l’article emblématique de Zilsel : « The sociological roots of science », Social Studies of Science, vol. 30(6), 2000, p. 935-949, initialement paru dans The American Journal of Sociology, vol. 47, 1942, p. 544-562.39 Gary Werskey, « The Marxist Critique of Capitalist Science : A History in Three Movements ? », Science as Culture, vol. 16, n° 4, 2007, p. 397-461.40 Steve Fuller, « Learning from Error : An Autopsy of Bernalism », Science as Culture, vol. 16, n° 4, 2007, p. 463-466.41 Christopher Hamlin, « STS : Where the Marxist Critique of Capitalist Science Goes to Die ? », Science as Culture, vol. 16, n° 4, 2007, p. 467-474. Hessen continue d’être la figure polarisante de ce retour marxiste : le texte d’Harold Dorn, « Science, Marx and History : Are There Still Research Frontiers ? », Perspectives on Science, vol. 8, n° 3, 2000, p. 223-254, procède ainsi à une nouvelle évaluation des écrits d’histoire des sciences marxistes pour penser à nouveaux frais les frontières de la recherche.42 Jacques Derrida, op. cit., p. 60-61.43 Pierre Bourdieu, Méditations pascaliennes, Paris, Le Seuil, 1997, p. 52-53.

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