François
Chesnais vient de publier un livre important, Finance Capital Today [1]. La conclusion
de son ouvrage élargit la thématique à un questionnement des limites du capitalisme.
Elle a été partiellement traduite en français [2], ] et a fait
l’objet d’un texte complémentaire [3]. Cette
contribution vise essentiellement à discuter du livre et y ajoute un bref
commentaire sur la question des « limites ».
Le
livre de François Chesnais couronne plusieurs décennies de travail sur la
mondialisation. Comme l’indique le sous-titre, il est principalement consacré à
l’analyse des rapports entre entreprises et banques. Il est donc évidemment
centré sur « la finance » mais son auteur récuse d’emblée l’idée que
la crise actuelle serait une crise du capitalisme « financiarisé ».
Non, dit-il, dès les premières pages de son introduction : il s’agit d’une
crise du capitalisme « tout court » (en français dans le
texte). Par conséquent, Chesnais rejette toute distinction simpliste entre le
« bon » capital productif et le « mauvais » capital
financier, suggérant qu’il suffirait de réguler la finance pour redonner tout
son dynamisme au capitalisme.
Le titre même du livre, Finance Capital Today évoque évidemment le Capital financier de Rudolf Hilferding qui, il y a plus de cent ans (en 1910) étudiait déjà les rapports entre banques et entreprises. La méthode de Chesnais est en effet de confronter les analyses et débats théoriques contemporains aux grands classiques, Marx évidemment, mais aussi Hilferding, Lénine ou Rosa Luxembourg.
Pour mieux spécifier son objet, Chesnais introduit une distinction entre finance capital et financial capital. Le terme de capital financier – finance capital – désigne « le processus simultané et combiné de concentration et de centralisation du capital argent, du capital industriel et du capital commercial qui résultent des opérations fusions et acquisitions au niveau national ou transnational ». Le financial capital correspond à ce qui est désigné en français comme « la finance », à savoir l’ensemble constitué par les banques et les fonds d’investissement de toute sorte – ce que la comptabilité nationale appelle sociétés financières – un concept qu’il faut élargir aux segments financiers des grandes entreprises industrielles.
Le titre même du livre, Finance Capital Today évoque évidemment le Capital financier de Rudolf Hilferding qui, il y a plus de cent ans (en 1910) étudiait déjà les rapports entre banques et entreprises. La méthode de Chesnais est en effet de confronter les analyses et débats théoriques contemporains aux grands classiques, Marx évidemment, mais aussi Hilferding, Lénine ou Rosa Luxembourg.
Pour mieux spécifier son objet, Chesnais introduit une distinction entre finance capital et financial capital. Le terme de capital financier – finance capital – désigne « le processus simultané et combiné de concentration et de centralisation du capital argent, du capital industriel et du capital commercial qui résultent des opérations fusions et acquisitions au niveau national ou transnational ». Le financial capital correspond à ce qui est désigné en français comme « la finance », à savoir l’ensemble constitué par les banques et les fonds d’investissement de toute sorte – ce que la comptabilité nationale appelle sociétés financières – un concept qu’il faut élargir aux segments financiers des grandes entreprises industrielles.
Chesnais
pose un autre principe de méthode, celui de prendre « l’économie mondiale
comme point de départ ». Une telle posture est logiquement nécessaire
puisqu’il s’agit d’étudier la mondialisation, mais Chesnais reconnaît avec
honnêteté que « c’est plus facile à dire qu’à faire ». Son travail
réussit en tout cas à ne pas tomber dans un « USA-centrisme » et à
mobiliser d’autres données que les plus faciles à obtenir, qui portent souvent
sur les Etats-Unis. Dans le chapitre 4, il propose par exemple une très éclairante
typologie des relations entre banques et industrie dans les principales
puissances capitalistes (Allemagne, Etats-Unis, Grande-Bretagne, France).
Quelle analyse de la crise ?
La
définition de la crise que propose Chesnais est classique : c’est une
« crise de sur-accumulation et de surproduction aggravée par une baisse du
taux de profit ». Cette crise était en gestation depuis la seconde moitié
des années 1990 mais son éclatement a été reporté « par la création
massive de crédits et la pleine incorporation de la Chine dans l’économie
mondiale ».
Mais
la baisse du taux de profit n’explique pas tout, car il existe en outre un
problème de réalisation : « les conditions macroéconomiques qui
déterminent les rapports de force entre le capital et le travail empêchent la
réalisation de la totalité de la plus-value produite à l’échelle mondiale. Le
capital est bloqué au point C’ du processus d’accumulation complet ».
Chesnais
signale dans une note de bas de page que « le fait qu’il existe un
“problème de réalisation” en plus d’un taux de profit insuffisant est
maintenant reconnu, un peu à contrecœur, par Michael Roberts ». Mais
Roberts, en bon représentant de l’orthodoxie marxiste, n’est pas
d’accord : « en fait, je ne suis pas sûr de reconnaître, même à
contrecœur, qu’il y a un problème de réalisation tel que le posent Chesnais et
d’autres » [4]. Pour Roberts, l’insuffisance de la demande est une
explication tautologique, et la loi de baisse tendancielle du taux de profit
est toujours et partout la cause « principale ou ultime des crises ».
Il reproche à Chesnais de reprendre à son compte la position éclectique
défendue notamment par David Harvey, lorsqu’il affirme qu’« il n’existe
pas de théorie causale unique de la formation de crise ». On peut au
contraire considérer avec Chesnais qu’une explication multidimensionnelle de la
crise n’implique pas une approche éclectique mais permet de prendre en compte
les traits spécifiques de chaque grande crise.
L’un
des intérêts majeurs du livre est que Chesnais reste strictement dans le cadre
de la loi de la valeur : la finance, quelle que soit la définition qu’on
en donne, est une énorme machine à capter et à recycler la plus-value mais elle
ne crée pas cette plus-value qui est produite par l’exploitation du travail. Ce
principe de méthode conduit Chesnais à se démarquer utilement d’extrapolations
hâtives.
Il
montre comment les firmes multinationales ont mis en place des chaînes de
valeur globales qui permettent de mettre en concurrence les salariés du monde
entier, d’optimiser le découpage des segments productifs, et de mieux pomper la
plus-value. Ces formes contemporaines de la mondialisation productive et leur
combinaison avec la financiarisation sont bien intégrées à l’analyse de
Chesnais. Mais ce dernier refuse, et à raison, les thèses, défendues notamment
par Samir Amin ou John Smith, d’une rente impérialiste qui résulterait d’une
sur-exploitation. De même, il récuse l’analyse de Costas Lapavitsas pour qui
les banques « exploiteraient » les travailleurs à travers les charges
d’intérêts et feraient ainsi baisser la valeur de la force de travail.
Quelle classe capitaliste ?
Le
livre de Chesnais contient des développements très éclairants sur la structure
de classe de la domination capitaliste. Il présente « l’interpénétration
du capital bancaire et du capital industriel » (pour reprendre une
expression de Boukharine citée favorablement par Lénine) comme un processus qui
conduit à la « formation au niveau des Etats d’un bloc de pouvoir
unifié ». Mais, contrairement à Hilferding, Chesnais souligne que ces
blocs de pouvoir, qui ont résisté à la crise de 2008-9, ne se trouvent pas
« sous l’hégémonie des banques ».
Chesnais
discute de la formation d’une classe capitaliste mondiale et montre les
obstacles à sa constitution, qui renvoient fondamentalement à la concurrence
entre capitaux nombreux. Mais il sous-estime peut-être le rôle actif des
institutions internationales comme le FMI, la Banque mondiale ou l’OMC dans la
mise en place d’un « terrain de jeu » optimal pour le déroulement de
cette concurrence. En ce sens, ces institutions représentent et défendent les
intérêts communs des groupes multinationaux.
En ce
qui concerne l’Europe, Chesnais a raison de souligner que « la formation
d’une élite capitaliste véritablement européenne par l’intermédiaire des
fusions intra-européennes, telle que l’avait anticipée Mandel, ne s’est pas
produite ». Mais s’il est vrai que l’on n’a pas assisté à la constitution
d’un capitalisme européen, les institutions européennes ont elles aussi mis en
place, de manière très consciente, les conditions d’une « concurrence
libre et non faussée ».
La question de la finance prédatrice
On a
déjà signalé que Chesnais récuse toute distinction entre un « bon »
capital productif et un « mauvais » capital financier et qu’il
insiste au contraire sur leur imbrication croissante. Il rejette donc
logiquement la conception d’une finance prédatrice qui « pomperait »
la plus-value et l’empêcherait de s’investir.
Chesnais
introduit cependant une distinction entre le « Capital comme
propriété » et le « Capital comme fonction » qui correspond à la
constitution « des actionnaires et des managers en groupes
distincts ». Cette distinction est utilisée par les post-keynésiens pour
montrer que le poids croissant des actionnaires va conduire à des choix visant
à maximiser le profit à court terme au détriment de la croissance à moyen terme
et donc de l’accumulation du capital. Cette lecture repose sur une
caractéristique fondamentale du capitalisme dans sa phase néo-libérale :
il existe un écart croissant entre le taux de profit qui se rétablit et le taux
d’accumulation qui stagne voire recule.
Mais
Chesnais refuse toute notion de « détournement des profits » et
reprend à son compte la thèse défendue par Andrew Kliman et Shanon
Williams [5] selon laquelle le taux d’accumulation a
baissé en phase avec le taux de profit. Par conséquent, selon Chesnais,
« les investissements des entreprises n’ont pas ralenti faute de fonds
disponibles sur les marchés financiers, ou en raison du changement dans la
répartition du profit entre profit retenu et dividendes, mais parce que le taux
de profit a baissé et que les investissements rentables se sont réduits »
(p. 17).
Pourtant
il existe beaucoup de données empiriques montrant que le « ciseau »
entre profit et accumulation s’est ouvert depuis longtemps en Europe et depuis
le début des années 2000 aux Etats-Unis, comme l’illustre le graphique 1
ci-dessous [6].
L’investissement
productif devenant « de moins en moins attractif », les profits
doivent « aller quelque part », à savoir sur les marchés financiers
où les services financiers des entreprises chercheront à les valoriser, en
concurrence avec les autres fonds de placement. Mais comme « le montant de
plus-value décroît en dépit de l’augmentation du taux d’exploitation (…) la
financiarisation s’approfondit de manière cumulative avec les innovations
financières et le développement de capital fictif sous ses nouvelles formes
contemporaines » (p. 18).
Graphique 1 : Investissement et profitabilité (en % du PIB)
Cette
lecture n’est pas totalement convaincante. En premier lieu, l’idée que la
plus-value globale baisse, qu’il existe comme le dit Chesnais dans sa récente
contribution une « situation de pénurie croissante de plus-value ou
survaleur », est contestable. Le graphique 2 ci-dessous propose une estimation
statistique, certes peu « sophistiquée » du volume de
plus-value [7]. Il montre qu’on
ne peut pas parler de baisse tendancielle. L’impact de la crise est déjà effacé
aux Etats-Unis où le volume de plus-value ainsi mesuré repart à la hausse,
alors qu’il plafonne en Europe.
Graphique 2 : Une estimation du volume de plus-value (base 100 en
1960)
En
second lieu, cette présentation renvoie à une sorte de « théorie du
portefeuille » : l’investissement productif n’étant plus
« attractif », le profit va choisir de se placer sur les marchés
financiers, comme si l’exploitation du travail vivant et la spéculation étaient
deux formes alternatives de création de valeur.
Quelle périodisation ?
Dans
son livre, Chesnais propose une périodisation selon laquelle la crise actuelle
marque la fin de « la plus longue phase d’accumulation dans l’histoire du
capitalisme, qui ne s’est jamais interrompue, même si elle s’est
progressivement ralentie ». Dans son dernier article, il insiste sur ce
point en parlant « d’une très longue phase, soixante-dix ans donc sans
parallèle dans l’histoire du capitalisme, d’accumulation ininterrompue ».
Les récessions généralisées de 1974-1976 et de 1980-1982 auraient
« entraîné un changement de rythme dans les pays capitalistes avancés, mais
pas entamé la dynamique de reproduction élargie au niveau mondial ».
Cette
approche est contestable et on peut en préférer une autre qui distingue le
capitalisme de « l’Age d’or », des « Trente glorieuses » et
le capitalisme néo-libéral. Cela correspond mieux au décrochage du taux de
croissance entre ces deux périodes. Au niveau de l’Union européenne, le taux de
croissance est de 5 % avant la récession généralisée de 1974-76 et il
dépasse à peine les 2 % après celle de 1980-82 (graphique 3).
Graphique 3 : Taux de croissance du PIB. UE15 1960-2015
Source : Commission européenne, base de données Ameco.
La
périodisation de Chesnais ne permet pas de comprendre que « l’Age
d’or » est une parenthèse dans l’histoire du capitalisme qui s’est
refermée au milieu des années 1980 et a conduit à un retour à la normale
historique. Ce décrochage a été marqué par l’irruption des politiques
néolibérales et par la mise en place d’un régime d’accumulation spécifique.
La
périodisation proposée par Chesnais n’est pas non plus compatible avec la
trajectoire du capitalisme mondial : la mondialisation et la
financiarisation ont pris leur essor dans les années 1980, comme un moyen de
répondre à l’essoufflement du capitalisme « fordiste ». En témoigne
de manière spectaculaire le graphique 4 [8]. De manière
générale, on peut dire que la montée du « capital fictif » est une
caractéristique propre du capitalisme néo-libéral.
Graphique 4 : Stock d’investissements directs à l’étranger
(en % du PIB mondial)
La défense du capital fictif
Au-delà
de ces éléments de débat, il faut souligner la force de la thèse centrale du livre
qui permet de comprendre pourquoi la crise dure. La financiarisation de
l’économie équivaut à une inflation de droits de tirage potentiels sur la
plus-value actuelle et à venir, mais qui excédent la capacité du système à
produire autant de plus-value. La crise peut alors s’interpréter comme un
rappel à l’ordre de la loi de la valeur : le capitalisme ne pouvant tout
simplement pas distribuer plus de plus-value qu’il n’en produit, une partie de
ce capital fictif devait être dévalorisé. Mais, pour reprendre la formule de
Chesnais, on n’a pas laissé la crise « suivre son cours » (run its
course). Toutes les politiques menées ont visé au contraire à garantir le
capital fictif et les droits de tirage afférents. C’est un des éléments
essentiels qui pèsent sur le dynamisme du capitalisme et le maintiennent dans
une phase durable de faible croissance (lasting global slump).
La question des limites du capitalisme
Dans
la conclusion de son livre, Chesnais soulève la question des limites du
capitalisme, de manière à vrai dire relativement déconnectée du cœur de
l’ouvrage. Cette discussion est plus développée dans sa contribution récente
publiée sur ce site, où Chesnais pose ainsi la question : il s’agit de
savoir « si la crise économique et financière mondiale de 2007-2008 peut
simplement être vue comme une “très grande crise” d’un capitalisme encore
capable de s’ouvrir une nouvelle longue phase de reproduction élargie à
l’échelle du « marché mondial enfin constitué » ou au contraire le
point de départ du moment historique où le capitalisme rencontrerait des
limites qu’il ne pourrait plus repousser ».
A la
question de savoir si le capitalisme a rencontré des limites infranchissables,
Chesnais suggère une réponse positive autour de l’idée qu’il développe depuis
déjà plusieurs années selon laquelle « la crise climatique va se combiner
avec la crise du capital » [9]. Les deux limites ou barrières sur lesquelles le
capitalisme devrait venir buter sont donc l’automatisation et l’environnement.
L’automatisation
est un processus intrinsèquement contradictoire comme l’expliquait Marx dans un
passage signalé par Mandel dans son introduction au livre III
du Capital : « Un développement des forces productives qui
réduirait le nombre absolu des ouvriers, c’est-à-dire permettrait en fait à la
nation tout entière de mener à bien en un laps de temps moindre sa production
totale, amènerait une révolution, parce qu’il mettrait la majorité de la
population hors du circuit. Ici encore apparaît la limite spécifique de la
production capitaliste (…) Pour elle, le développement de la force productive
n’est important que dans la mesure où il augmente le temps de surtravail de la
classe ouvrière et non pas où il diminue le temps de travail nécessaire à la
production matérielle en général ; ainsi elle se meut dans des
contradictions » [10].
Dans
son article de 1986 [11],
Ernest Mandel évoque cette « nouvelle contradiction croissante entre la
réduction de la quantité absolue de travail humain nécessaire à la production
même d’une masse croissante des marchandises et les possibilités de réalisation
de la plus-value contenue dans cette masse de marchandises ». Pour lui, la
« solution, c’est celle d’une société duale qui diviserait le prolétariat
actuel en deux groupes antagoniques : ceux qui continuent à participer au
processus de production de la plus-value (…) ; ceux qui sont exclus de ce
processus, et qui survivent par tous les moyens autres que la vente de leur
force de travail ».
L’environnement
est évidemment la seconde limite. Chesnais a été l’un des premiers marxistes à
prendre conscience et à faire prendre conscience du fait que le dérèglement
climatique faisait partie de la crise du capitalisme et que tout projet
socialiste devrait prendre en compte cette dimension. Chesnais signale que
« les effets du changement climatique sont déjà désastreux entre autres
pour les habitants autochtones de l’Arctique, du Groenland et de l’Himalaya,
pour les pasteurs de l’Est africain, les insulaires des petits Etats du
Pacifique, pour les populations rurales du Delta du Gange » et remarque
que « les premiers menacés sont celles et ceux qui sont les plus éloignés
et les moins “bénéficiaires” des mécanismes de gaspillage de la “société de
consommation” ».
Michel Husson |
Mais
peut-on pour autant parler d’une limite absolue, voire d’une « barrière
immanente » ? La « catastrophe silencieuse en marche »,
pour reprendre l’expression de Daniel Tanuro [12], conduit-elle à
un effondrement concomitant de la planète et du capitalisme ? Ce serait la
« limite absolue », celle au-delà de laquelle l’espèce humaine se
trouverait totalement « hors du circuit ». Mais on peut cependant
imaginer un scénario progressif fait des « conflits violents autour des
ressources d’eau, des guerres civiles prolongées par l’intervention étrangère
dans les pays les plus pauvres, des énormes mouvements de réfugiés provoqués
par la guerre et le changement climatique » évoqués par Chesnais dans son
article d’Inprecor [13]. On irait vers une société ressemblant au Talon de fer de Jack London ou vers
un monde à la Mad Max, pour prendre une référence plus récente. Les dispositifs
les plus barbares se mettraient en place à mesure que progresserait le désastre
climatique.
Chesnais
reprend à son compte la critique de la notion d’« anthropocène » qui
sert à désigner la nouvelle période ouverte depuis que les activités humaines
ont un impact global significatif sur l’écosystème terrestre. Il adopte à ce
sujet les arguments de Jason Moore qui propose de parler de
« capitalocène ». Mais est-on sûr que la nature saura faire le tri
entre ce qui relève de l’activité humaine pure et du capitalisme ? Poser
la question, c’est déjà y répondre. Et la vérité est sans doute celle-ci :
pour éviter la catastrophe écologique, par exemple en visant les objectifs
fixés par le GIEC, il faudrait une transformation profonde des modes de vie à
l’échelle mondiale qui impliquerait un arrachement radical de la « société
de consommation ». C’est en tout cas ce que montrent les calculs élaborés
de Minqi Li [14] ou
d’autres plus simplistes [15].
Il
n’est pas sûr finalement que l’analyse prospective des dégâts du capitalisme
soit mieux éclairée par la notion de limites absolues,
« infranchissables », sur lesquelles viendraient buter la régression
sociale et le délabrement environnemental. Ce qu’il faut comprendre et
expliquer, c’est l’imbrication croissante de ces processus au sein d’une
« catastrophe silencieuse en marche » qui n’a d’autre limite que les
résistances sociales.
Notes
[1] François Chesnais, Finance Capital Today. Corporations
and Banks in the Lasting Global Slump, Brill, Leiden, 2016
[2] ESSF (article 40246), Convergences de crises – Le cours actuel du
capitalisme et les perspectives de la société humaine civilisée :
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article40246
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article40246
[3] ESSF (article 40245), A la racine des choses – Le capitalisme a-t-il
rencontré des limites infranchissables ? :
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article40245
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article40245
[4] Michael Roberts,
“Transformation and realisation – no problem”, November 14, 2016. :
https://thenextrecession.wordpress.com/2016/11/14/transformation-and-realisation-no-problem/
https://thenextrecession.wordpress.com/2016/11/14/transformation-and-realisation-no-problem/
[5] Andrew Kliman, Shanon D
Williams,. « Why ‘financialisation’ hasn’t depressed US productive
investment », Cambridge
Journal of Economics, 39 (1), 2014. :
http://gesd.free.fr/klimanw.pdf
http://gesd.free.fr/klimanw.pdf
[6] Patrick Artus,
« Vis-à-vis de quoi l’investissement des entreprises américaines ou de la
zone euro est-il aujourd’hui faible ? », Flash Economie, Natixis, 12
janvier 2017. :
http://pinguet.free.fr/flas7067.pdf
http://pinguet.free.fr/flas7067.pdf
[7] Le volume de plus-value
est mesuré comme l’excédent brut d’exploitation (gross operating surplus)
de l’ensemble de l’économie déflaté par le prix du PIB. Les données proviennent
de la base de données Ameco de la Commission européenne.
[8] « The retreat of
the global company », The
Economist, January 28th 2017 :
http://pinguet.free.fr/multicompa.pdf
http://pinguet.free.fr/multicompa.pdf
[9] François Chesnais,
« La crise climatique va se combiner avec la crise du capital », ESSF
(article 11794), « La crise se combine aux crises climatique et
alimentaire » . :
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article11794
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article11794
[10] Karl Marx, Le Capital, livre III, tome 6,
Editions Sociales, Paris, 1957, pp.275-276.
[11] Ernest Mandel,
« Marx, la crise actuelle et l’avenir du travail humain », Revue
Quatrième Internationale, n° 20, mai 1986. ESSF (article 39927), Dix thèses sur Marx, la crise actuelle et l’avenir du
travail humain
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article39927
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article39927
[12] Daniel Tanuro, ESSF
(article 35606), Face à l’urgence écologique : projet de société,
programme, stratégie
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article35606
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article35606
[13] Disponible sur ESSF,
cit. op.
[14] Minqi Li, « The
21st Century Crisis : Climate Catastrophe or Socialism », Review of Radical Political
Economics 43(3), September
2011. :
http://gesd.free.fr/minqilir.pdf
http://gesd.free.fr/minqilir.pdf
[15] Michel Husson, « Un
abaque climatique », note hussonet n° 89, 20 août 2015. :
http://hussonet.free.fr/abacli.pdf
http://hussonet.free.fr/abacli.pdf
http://alencontre.org/ |