Virgínia Fontes (*) | Cet article présente quelques traits constitutifs de la
pensée historique de Karl Marx et F.Engels dans le Manifeste Communiste. Depuis, toute la réflexion historique
ultérieure a dû s’y reporter. Restent intacts leur originalité et leur courage
à nous rappeler que nous vivons dans une fin de millénaire pleine de défis et
de transformations, à expliquer et à nous exhorter à avoir le courage, nous
aussi, de construire de nouvelles alternatives social La clarté et la densité du Manifeste sont frappantes : en quelques pages, une reflexion
très élaborée présente quelques points fondamentaux qui deviendront des
références centrales pour la pensée historique. Avant de discuter les concepts
et catégoriesqui sont à la base de la réflexion historique dans le Manifeste, examinons les conditions dans
lesquelles — et contre lesquelles — ces idées ont vu le jour. Deux tendances
principales formaient les assises de la pensée historique au XIXème siècle:
des survivances du providentialisme chrétien et la généralisation de
la pensée libérale. [1].
Le providentialisme, quoique méconnaissable en raison des
combats menés au long du XVIIème et du XVIIIème siècles, approvisionnait encore
les grandes réactions conservatrices du XIXème siècle (la Sainte Alliance,
par exemple [2]) et, avec un visage “modernisé”, étoffait
les arguments de l’eurocentrisme dans le processus d’expansion capitaliste. La
connaissance d’un plan divin se muait, au XIXème siècle, en la certitude
d’un projet occidental de civilisation, monopolisateur d’une Raison absolue. Ce
projet, profondément chrétien dans ses racines, échappait cependant à la
surveillance d’une seule église.
La pensée libérale, héritière des efforts de laïcisation du
pouvoir, rejetait cette conception mais se gardait d’instaurer une réflexion
proprement historique, insistant sur les attributs individuels. La nature de
l’homme serait à la base du noyau central du pouvoir, l’État. La société, lieu
de rencontre des individus, devenait l’espace d’un pacte nécessaire et
problématique: il assurait la vie, la propriété et la liberté en échange d’une
menace constante, l’Etat, qui devait susciter la peur chez tout un chacun. La
peur permanente était le prix à payer pour la paix civile.
La métaphore libérale ne correspondait cependant à aucun
processus historique réel. L’ensemble de la société aurait-il des attributs
autres et différents de la somme des individus, attributs constitués de façon
endogène et non pas divine? Ces caractéristiques appartenaient-elles à toute
l’humanité ou ne concernaient-elles que chaque groupe? S’agissait-il de traits
constitutifs ou, au contraire, étaient-ils passibles de transformation? Cette
dernière question s'adressait aussi bien au libéralisme qu’à son prédecesseur,
car tous les deux se basaient sur une “nature” humaine figée.
À la fin du XVIIIème siècle, Jean-Jacques Rousseu
(1712-1778) conduira la pensée libérale à ses extrêmes. En partant de Hobbes et
de Locke, Rousseau met en évidence les dichotomies qui marquent la pensée
libérale - Etat contre société civile et, surtout, individu contre société.
Rousseau envisage la nature de l’homme dans une perspective nouvelle comme
“bonne nature” corrompue par les sociétés inégalitaires et comme “nature perfectible”,
c’est-à-dire comme passible de “dénaturalisation”. Cette contradiction signale
des possibilités nouvelles, car une “nature opprimée” par un ordre social
injuste signifie la révolte sociale; la perfectibilité de cette nature ouvrait
un terrain illimité à l’action politique. L’idée même de nature humaine
changeait et deux notions montaient sur la scène: l’histoire et la liberté.
Deux expériences concrètes jalonneraient une nouvelle
centralité de la “question sociale” et de l’histoire: la Révolution Française
et l’Independance americaine. De l’idée d’un pacte déjà assuré et immuable
émergeait dans la pratique l’aventure des conquêtes sociales et la possibilité
d’une participation élargie. Au délà d’une tradition, la question sociale indiquait
qu’elle ne concernait pas tous les participants de façon identique. Les
revendications des groupes sociaux pouvaient être franchement opposées[3].
Au XIXème siècle, le sentiment d’incomplétude des
conquêtes sociales renvoyaitt directement à la perception d’une autre dimension
dans la vie collective, au-delà d’une multitude mais en-deçà d’un projet
téléologique, d’une dimension proprement historique. Il s'agit d'une perception
de la société comme lieu d’action, de transformation collective et des
possibilités d’épanouissement des individus. La question sociale devenait
un point névralgique [4], avec un pouvoir de mobilisation
grandissant, ne se réduisant donc pas à une interrogation intellectuelle.
L’industrialisation et l’expansion européenne à travers le
monde révélaient de nouvelles capacités économiques et justifiaient un
quotidien limité et inégal pour la plupart de la population, mais paré d’un
futur riche de promesses et de progrès. Pour aboutir à un tel futur, il fallait
discipliner les individus, contrôler leurs impulsions, empêcher les
manifestations de leur barbarie [5]. Les inégalités sociales, maintenues et
mêmes approfondies, étaient la contrepartie d’une inclusion forcée dans le
monde de la production industrielle [6].
Dans la mesure où l’économie souligne les fondements
capables de stimuler l’expansion capitaliste, elle réduisait l’histoire à une
croissance plus ou moins continue de la prodution et de la capacité productive.
Quelques pays européens, sortis de l’”enfance” par la production en grande
échelle, paradigme d’un monde capitaliste et chrétien, devraient élever et
discipliner les autres, à commencer par leurs propres pauvres [7]. Il y avait
très peu de place, sur ce terrain, pour la question sociale et ses
revendications.
Le Manifeste
Communiste part directement de la question sociale, envisagée en tant
que problème pratique, refléxion théorique et question historique. Ce n’est pas
un instantané figé de la société, mais un processus en mouvement constant, gros
de forces capables de mener des changements radicaux. Entre les deux axes
fondamentaux — la synthèse et l’action — le processus historique devient le
noyau de l’émergence du nouveau.
Avant sa rédaction, Marx et Engels avaient entrepris une
série de travaux qui ont constitué la base de leurs ouvrages ultérieurs (Gazette
Rhénane, Manuscrits de 1844 et l’Idéologie
Allemande, parmi d’autres), où se consolidait le refus de
l’intervention de tout facteur extra-social dans l’analyse du processus
historique. L’explication de l’essor des différentes formes de singularité
(individuelles ou collectives) et des dynamiques qui assuraient la stabilité de
formes sociales determinées ou, au contraire, stimulaient leurs
transformations, devrait être trouvée dans la vie des hommes en collectivité.
Ils étaient capables, ainsi, d’abandonner, en le surmontant,
le dilemme classique des libéraux et des providentialistes. Ils ont critiqué
très pertinemment le libéralisme et ont démontré que le processus
d’individualisation était lui-même historique et ne devenait comprehénsible que
dans sont rapport à la vie sociale, en particulier, aux luttes sociales à
l’origine du capitalisme. Pas même l’individu n'était une question de nature...
Quant à la pensée réligieuse, ils soulignaient son rôle de consolidation des
mythologies sur lesquelles s’installe le pouvoir, par l’intériorisation des
normes de domination sociale en tant que modes de vie [8]. Cette opération était
possible par l’anatomie des bases du pouvoir: l’exploitation du surtravail de
la plupart des populations, bases historiquement vérifiables et incontestables.
L’histoire
devenait une dynamique non-aléatoire. Dans la vie sociale, rien ne
pouvait plus être atribué à une “nature” ni à des “volontés” ou des “raisons”
externes à la vie des hommes.
Le Manifeste
Communiste s’ouvre par une rapide provocation politique — “un spectre
hante l’Europe: le spectre du communisme” — et présente les conceptions, les
objectifs et les projets des communistes. Cependant, avant de présenter ces
projets, le premier chapitre est consacré à l’explication historique. Ce
chapitre historique, fondamental pour la formulation politique, montre le
processus de formation aussi bien de la bourgeoisie que du prolétariat. Il ne
s’agit pas d’une “toile de fond”, d’une illustration convaincante [9]. Les
descriptions prétendument historiques y sont aussi absentes : elles
deviennent superflues. L’explication présentée dans le Manifeste se passe de moralisme et
évite les contrapositions entre principes “vertueux” et un monde “contaminé”;
elle se passe aussi de manichéismes et d’oppositions simplistes. La pensée
historique trouve un langage nouveau [10].
Telle que le suggère le Manifeste, l’historien doit rechercher les possibles par l’examen
de la dynamique sociale. Le Manifeste expose
le nerf central de la production et des classes sociales. Il se rattache
directement à la pratique politique, par la généralisation d’un savoir capable
de contribuer à la construction sociale des volontés collectives. Le rapport au
passé s’opère de façon nouvelle: il incorpore aussi bien le présent, en tant
que point de départ — et non plus comme point final de l’histoire — que le
futur, en tant qu’ouverture sur des possibilités données. Le futur n’est donc plus une “anticipation
visionnaire” ou une utopie supplémentaire, mais une construction.
Dans une esquisse brève et précise affleure l’explication du
processus et de ses lignes tendancielles, dont le point de départ est donné
dans la proposition : “l’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a
été que l’histoire de la lutte de classes”. Cette affirmation subit, par la
suite, des lectures dogmatiques, à la recherche d’une application à la
lettre en toutes circonstances et devint une sorte de “recette de
cuisine”, d’où la réflexion se révélait la grande absente [11].
La célèbre “théorie des étapes” ainsi engendrée prônait, dans chaque période,
une seule et unique opposition entre classe dominante et classe dominée. Les
présuposés théoriques de Marx se trouvaient délaissés au nom d’une soi-disant
application positive de ses principes.
Cependant, la richesse de la proposition demeure. Le
processus historique et ses transformations exigent l’examen des formes de
structuration des conflits sociaux. De surplus, aucune réflexion historique au
cours des 150 dernières années ne réussit à escamoter la dynamique
conflictuelle des processus historiques ou à la séparer de la production de la
vie sociale.
Ces remarques générales, traduites dans le texte du Manifeste, soulignent quelques points:
1. Le
capitalisme est présenté comme un rapport social — et pas seulement comme une
manière de produire. Ce rapport social permet l’essor de la production
industrielle qui, à son tour, le consolide : extension de la division du
travail, développement des forces productives et subordination croissante de la
vie sociale au système productif. Dans le Manifeste, dont l’axe est la divulgation des principes du
communisme, cette perspective oriente tout l’ouvrage. Par la suite, elle sera
développée dans d’autres textes de Marx et d’Engels, et éclairera la matrice du
capitalisme : la séparation des travailleurs d’avec les moyens de
production et l’expulsion des paysans de leurs terres. Ce déracinement les rend
libres de la subordination antérieure aux grands propriétaires fonciers, mais
dépossédés de tout attribut garantissant leur survie. Ils deviennent “propriétaires” d’une seule
marchandise : leur force de travail.
2. La
définition du capitalisme, présente dans le Manifeste et dans d’autres textes, ne se limite point à la
description de la vie économique en Angleterre ou en quelque autre pays. Le
capitalisme connaît son essor en Europe, mais il traverse les frontières
nationales. Le rapport social qui entraîne ouvriers et entrepreneurs
capitalistes jaillit un peu partout avec des colorations spécifiques, mais
trouve en Angleterre son modèle le plus complet. Sa dynamique, irréductible à
un seul espace national, s’élargit constamment et étend sa modalité propre de
rapport social de production. L’Histoire ne se laisse pas jalonner par des
frontières politiques ou géographiques. À l’inverse, elle permet d’en expliquer
la constitution.
3. Dans le
capitalisme, la place des sujets dans la société n’est pas déterminée par leurs
capacités (compétence, mérite, etc), ni par leurs qualités (intelligence,
adresse, etc). Il ne s’agit
pas d’une “nature humaine”, d’un “penchant” naturel pour le profit, ou encore
d’une naturalisation des qualités ou capacités individuelles, inhérentes à des
groupes sociaux. La bourgeoisie n’est jamais envisagée de façon
“machiavélique” et le capitalisme ne se réduit pas à une “machination”, brassée
par quelques-uns. Cette caractérisation permet d’illustrer comment le
capitalisme — le rapport social entre le capital et le travail — procède par
l’expansion de la capacité de production. Il ouvre d’immenses possibilités
quand il brise l’isolement entre les régions et socialise la production
intellectuelle par la création de forces productives colossales. Par contre, il
détruit impitoyablement nombre de libertés, réduit tous les rapports sociaux à
des rapports marchands, généralise le principe de “l'intérêt froid” et fait se
volatiliser toutes les formes traditionnelles d’assises sociales.
4. Cette
caractérisation du rapport social conduit à la définition du prolétariat et à
son rôle. Le travail, pôle générateur de toute richesse sociale, se trouve
socialisé: la production de n’importe quel bien dépend d’une division
internationale du travail. Des formes de coopération jamais envisagées entre
les travailleurs sont dirigées et contrôlées par le capital. La classe
ouvrière, lors de la généralisation de formes de coopération internationales,
condition et effet de la production capitaliste, manifeste son rôle de créateur
de richesse et, par là-même, quitte la défensive dans sa lutte pour
l’élimination du contrôle capitaliste de la production. Elle mène ainsi de
front la lutte contre l’existence même des classes sociales.
Le capital a organisé et concentré le monde du travail. La
multiplication de sa capacité productive renforçe sa mainmise sur le
cheminement de la société.En une première approche, la révolution consisterait
dans le contrôle, par la société, de ce qui constitue le fruit de son travail.
La socialisation, incomplète sous le capitalisme, qui n’accorde qu’à une élite
la propriété des moyes de production, serait alors généralisée.
5. L’image
d’une “armée” de travailleurs nous révèle déjà la forme de la révolution, telle
que Marx et Engels l’envisagent en 1848 : une transformation d’ordre
militaire. Au blocage libéral sur le plan politique — toutes les formes
d’organisation sociale des travailleurs se trouvent bâillonnées, par exemple
interdiction des syndicats, des représentations politiques ouvrières, de la
consolidation de formes nouvelles de solidarité et de révendication — ils
opposent la destruction du système. Cette image sera plus tard remaniée en
fonction des diverses conjonctures politiques.
6. La
révolution est aussi une construction sociale. Les “automatismes” sont absents
de leur analyse. Si la tension entre le travail et le capital s’instaure avec
le début du rapport qui les traverse et, dès lors, si la lutte de classe est
constitutive de ce rapport, ses formes et sa portée se modifient par la
construction graduelle des formes de lutte, par l’apprentissage du processus,
par l’expérience accumulée [12]. La liberté du travailleur, quoique
pénible et limitée par le capital, signifie la fin du joug des seigneurs et
apporte de meilleures conditions à la formulation de nouvelles possibilités de
lutte. Peu à peu, des formes de solidarité se mettent en place, la lutte,
isolée d’abord, se généralise aussi bien sur le plan national que sur le plan
international — tel est le propos du Manifeste.
7. Le rôle du
prolétariat et la possibilité de la révolution se laissent saisir par la
réflexion historique. Celle-ci doit agir doublement: par l’identification de
l’organisation spécifique qui caractérise le capitalisme dans chaque situation
particulière (synthèse) et par la transformation des moments précédents
(processus). Ce ne sont pas deux moments séparés, mais complémentaires. Chez
Marx — à la différence des libéraux, qui envisagent le présent en tant que
cristalisation d’un moment final, comme point d’arrivée [13] — le présent est un autre point de
ce processus, d’où l’importance d’une pensée qui incorpore la pratique, mettant
en évidence les résistances, les transformations possibles par l’investissement
politique, d’autant plus puissant qu’il est capable d’évaluer les possibilités
données par le système qui organise ce présent, mises en évidence par une
pensée qui ne peut être qu’historique.
Le capitalisme, dont la logique est examinée à fond dans Le Capital n’est, à aucun moment,
pensé como statique. Au contraire, il est dynamique et révolutionnaire. Dans ce
cadre, quel rôle attribuer au prolétariat? Quelle est sa dimension proprement
historique? D’abord, lui aussi est en permanente transformation dans le sens de
l’approfondissement de la socialisation de plus en plus poussée de la structure
productive. Il apporte ainsi la possibilité de mener cette socialisation
jusqu’à son extrême, par la transformation des privilèges liés au capital en
propriété sociale, par la socialisation de la politique et de la vie
quotidienne. Cette lutte,
historique, est une possibilité et non une donnée assurée d’avance. Elle
dépend de l’action politique — et des transformations que celle-ci est capable
d’introduire. Ce rapport central entre structure et processus, entre le donné
(la division sociale du travail) et le construit (les formes de l’action
politique), entre l’économique (dans sa définition large) et le politique, est
la marque de la pensée marxiste. L’histoire n’est pas seulement’une logique à
dégager du réel, ni la volonté des individus (dont elle ne peut pas, par
ailleurs, se dessaisir).
8. La pensée
historique chez Marx incorpore une tension constitutive de la dimension
temporelle. Expliquer le présent suppose l’identification de ses lignes de
force organisatrices (synthèse, déterminations limitatrices de la vie sociale,
avec leur coercition ouverte ou admise comme “naturelle”). Mais ces lignes de
force ne sont pas statiques, ne sont pas le fruit d’une nature pré-établie ou
d’une logique anhistorique. Le centre du processus est le mouvement — la
dynamique est le noyau dur de l’histoire. C’est ainsi que détermination et indétermination marchent ensemble.
Détermination : le passé est donné, il n’est pas passible de
transformations. Il façonne les hommes, les groupes et les classes sociales
selon des formes d’organisation toujours déjà données. Indétermination :
la lutte sociale peut aboutir à des transformations, y compris des révolutions.
Indétermination, car c’est le conflit — la lutte de classes, les multiples
affrontements sociaux — le moteur du mouvement de l’histoire. La possibilité de
futur inscrite dans le présent n’est pas assurée d’avance. Elle reste une
possibilité.
Il faut
cependant remarquer que cette indétermination, à la différence d’autres
auteurs, ne s’ouvre pas vers un non-lieu, à la façon des utopies traditionnelles,
ou vers tous les possibles [14], ce qui obscurcit l’action
politique et empêche toute pratique sociale consistante. La construction du
futur, chez Marx, relie passé et présent, comme réalisation — ou non — de
certaines possibilités par l’intermédiaire de l’action sociale. C’est
donc la capacité d’identifier les tensions principales — le noyau de
l’exploitation de classe — qui permet d’imaginer un futur radicalement
transformé. C’est elle aussi qui permet l’accumulation des luttes, des
résistances, la transformation des formes de lutte et la construction de
nouvelles possibilités.
Le Manifeste,
pamphlet de 1848, anticipe une série de formulations reprises ultérieurement
par Marx et Engels. La définition de “pensée historique” trouvée ci-dessus
incorpore des catégories développées dans les ouvrages qui suivent le Manifeste. La contribution de Marx et
d’Engels ne peut pas être limitée à la construction de concepts généraux et de
“catégories opérationnelles”, directement “applicables”. L’histoire, envisagée
comme processus, ouvre une possibilité extraordinaire de croissance
intellectuelle et pratique par l’absence de références fermées en elles-mêmes
ou de “loi d’airain”. Dès lors, il est toujours possible de bâtir de nouvelles
luttes, de nouveaux concepts et catégories. Au lieu d’un historicisme incapable
de saisir l’idée d’une réalité changeable, il se profile sur le champ théorique
une dialectique entre processus et vérité, entre passé et présent, entre penser
et agir.
Par “pensée historique” je désigne l’explication des formes
d’organisation des sociétés et leurs transformations. C’est la construction de
la connaissance. Cette pensée historique ne se limite pas à la recherche
empirique et à l’examen de faits ou de processus passés, mais les incorpore.
Elle ne se laisse pas non plus réduire à des spéculations de nature
philosophique et générique, à la recherche d’un modèle fixe (naturel, humain,
intellectuel) qui façonne le processus historique.
La connaissance historique, comme n’importe quelle
connaissance, articule deux mouvements. D’une part, les constatations et le
travail minutieux de rassemblement de données; d’autre part, une dimension
créative, imaginative et interrogative, capable de les intégrer. D’un côté,
incorporer le plus grand nombre possible d’éléments significatifs (données),
organisés selon des formes de pertinence. D’un autre côté, les soumettre au
crible d’une explication (et non pas simplement une description) dans le
contexte d’une formulation théorique.
Les sociétés sont composées par des données et des variables
infinies. De même, le processus historique comprend un nombre infini
d’événements et subit des transformations déclenchées par de multiples
volontés, bien qu’on ne puisse pas définir l’une d’elles comme le déterminant
de chaque processus.
Ainsi, la connaissance historique présuppose l’articulation
des multiples dimensions de la vie sociale, de façon à l’expliquer. Comme dans
toute forme de connaissance, elle ne saurait épuiser la variété des
manifestations de la vie sociale et ne peut s’ériger en connaissance qu’en
faisant abstraction des éléments agglutinants et significatifs de l’immense
variété des événements.
Les contributions de Marx sur ce terrain sont fondamentales,
soit par la critique pertinente et contondante des formes spéculatives de la
pensée historique au XIXèmesiècle, soit par l’attention portée au traitement
des évidences empiriques, surtout dans Le Capital et dans la trilogie sur les transformations sociales
en France [15].
On parvient ainsi au concept de totalité. La totalité, dans
le sens marxien, ne signifie pas l’incorporation de tous les faits et de toutes
les occurrences du passé. Cela ne fait pas de sens dans un procès cognitif. La
totalité dans la pensée historique correspond à une évidence première: la vie
sociale ne se laisse pas épuiser par un seul signifiant. Rien ne peut être
considéré comme uniquement économique, par exemple, ni même l’action la plus
consciemment dirigée vers l’économique. Un acte d’achat et de vente, par
exemple, peut comprendre les sentiments les plus divers (amour, haine,
indifférence); il peut aussi illustrer la plus parfaite liberté des deux
contractants comme la plus profonde coercition; il embrasse de subtils partages
antérieurs au contrat (salaire, héritage, épargne, mariage). De même, les
sentiments en apparence les plus “purs” et les relations les plus éthérées
peuvent comprendre des préoccupations mesquines.
L’imbrication d’innombrables liens entre les individus
conduisit fréquemment à l’impossibilité d’expliquer les actes sociaux. Quand
c’est le cas, l’histoire devient stérile par l’abandon de la dimension
explicative, même si l’on en décrit exhaustivement certains moments, rehaussés
par le recours à des techniques narratives. Réduite à de belles narrations,
l’histoire perd sa capacité sociale de stimuler la transformation.
Or, pour
Marx le défi était stimulant. Si tous ces éléments se croisent, s’influencent
mutuellement, comment penser ceux qui peuvent jouer un rôle de formation,
c’est-à-dire, avoir une dimension déterminante, encore qu’on sache qu’il
n’agira jamais seul ? Comment identifier les transformations qui
impliquent un réseau, une suite ininterrompue de mouvements qui provoquent un
changement de sens dans les actes quotidiens eux-mêmes ? Comment
échapper à la simplification d’imposer un seul signifiant à tous les éléments
de la vie sociale et, en même temps, les percevoir dans leurs formes
spécifiques de connexion ?
Marx opéra un saut qualitatif par rapport à la pensée
politique de son époque. Hobbes et Locke, par exemple, dans leur essai pour
faire de la vie le fondement dernier de la société (la propriété, dans le cas
du second), retournent à un principe de nature (permanent, pourtant
ahistorique). Or, pour Marx, la vie aura aussi un rôle fondamental. Mais —
voici le saut incommensurable — elle est toujours sociale. Il dénaturalise donc
l’être humain, et le saisit comme toujours formé par le groupe auquel il
appartient et marqué par son époque. Dès lors, il déplace la base de la
réflexion de la préservation individuelle de la vie (un contre tous) vers la
préservation de la vie sociale. La vie sociale incorpore la vie individuelle,
mais elle transforme, en même temps, sa signification. Les individus
cesseraient-ils d’avoir une “valeur propre”, pour Marx ? Il est évident
que non, mais la question elle-même rehausse le fait — décidément historique —
que l’individuation, la construction de la notion d’individu et de sa valeur,
dépendent de la collectivité dans laquelle ils s’insèrent et de circonstances
qui, maintes fois, subordonnent la vie individuelle et impliquent des formes
variées de coercition et d’assentiment.
La perception de la dimension sociale des invididus ne
suffit pourtant pas à rendre compte de la différence significative entre les
deux moments historiques, entre deux formes de vie sociale. D’ailleurs, comme
nous l’avons observé ci-dessus, cette conception formait les fondements de la
question sociale au XIXème siècle. L’interrogation cruciale était :
quels sont les éléments constitutifs de la question sociale ? Que signfie,
exactement, la préservation de la vie sociale ?
Les économistes qui suivaient le versant inauguré par la
pensée libérale utiliseraient l’économie (l’élan individuel pour la survie et
pour le profit) comme la clé explicative de toute existence humaine. D’ailleurs
cette proposition demeure, jusqu’à nos jours, inchangée. La pensée libérale se
fonde exactement sur l’élan exclusif pour le profit comme explication de tous
les actes de la vie humaine. La marchandisation des rapports sociaux se trouve
ainsi légitimée et en sort même anoblie, considérée comme adéquate à la
“nature” humaine.
Pour Marx, cette conception représente une réduction
inadmissible de la compléxité aussi bien de la vie humaine que de la vie
sociale. Cependant, elle pointait vers un élément important : la condition
de préservation de la vie (sociale et individuelle) passe, effectivement, par
la garantie de leur reproduction. Certes, la vie des hommes n’oscille pas
seulement autour de leurs conditions de survie. D’autres aspects font partie
des préoccupations, inquiétudes, plaisirs et bonheur humains. Néanmoins, les
formes sociales de la survie (qui, quand on y pense historiquement, se traduit
dans des conditions données par les sociétés dans lesquelles les individus et
groupes sociaux se trouvent) permettent l’ampliation de désirs (bonheur ou
biens matériels) ou, à l’inverse, limitent et rendent la vie plus mesquine. Il
n’y a pas de production culturelle ou “élévation” spirituelle là où la vie
elle-même n’est pas assurée.
La production de la vie, d’après Marx, n’est pas “naturelle” :
fruit d’impositions et de constructions sociales, elle se transforme. La vie,
du moment où elle échappe au dilemme qui oppose la pensée libérale à la pensée
providentielle, est toujours pensée comme socialement construite. Des
sentiments les plus profonds aux objets de consommation les plus banals, ils se
transforment tous selon l’organisation de la société. Si nous trouvons de
points communs avec les hommes et femmes d’autres époques, ceci n’est vrai
qu’en mettant de côté les immenses différences qui nous séparent.
On parvient de la sorte à l’un des points les plus délicats
et les plus sujets à caution du marxisme. Le rapport entre la politique (la
lutte de classes) et la soi-disant économie. Dans le Manifeste, le procès de production de la vie sociale détermine les
conditions dans lesquelles les individus et les classes conduisent leur
existence. L’économie, ici, ne se laisse pas réduire aux actes administratifs,
aux choix d’investissement, aux types de produits ou à la dynamique du marché.
Elle ne se limite pas non plus à la sphère unique et directe des rapports à
l’usine ou de ceux entre le propriétaire et l’ouvrier. Elle constitue un
rapport social, dans la mesure où elle organise et centralise toute la vie
sociale.
À vrai dire, le terme même d’économie correspond mal à ce
que Marx appelle la production de la vie sociale (production, circulation,
distribution, consommation). En effet, quoique l’économie se rapporte
directement aux biens et richesses produits, son importance dérive de deux
conditions : d’une part, l’identification de la structure de la
reproduction sociale (survie) et, d’autre part, l’organisation des individus
que cette dernière implique.
Le concept marxien englobe ce que beaucoup d’économistes
comprennent par “économie” (l’univers strict de la consommation et de la
production, i. e., la gestion de ressources rares) mais la dépasse. On ne
peut pas centrer son étude seulement sur les modes de gestion ou sur les
modalités de plus grande productivité et accumulation. La question centrale
pour Marx et Engels c’est l’identification de la façon dont une société donnée
assure son existence (individus et institutions). Pour ce faire, elle doit produire non seulement
des biens et des richesses, mais aussi tous les appareils qui la reproduisent
en tant que telle. Elle doit nourrir et les individus et ses institutions [16], assurant de la sorte la
“reproduction sociale” dans le sens propre de l’expression.
La production, pensée en tant qu’organisation sociale, exige
l’explication des automatismes qui l’instaurent et la ritualisent, les tensions
sur lesquelles elle s’érige, les possibilités (individuelles et de groupe)
qu’elle ouvre, les limites et contraintes qu’elle instaure et enfin les formes
qui la font ressembler à un produit de la nature humaine. La culture fait ainsi
partie intégrante de cette “production de la vie sociale”, car cette
naturalisation y a précisément lieu et c’est par elle que les classes, les
groupes et les individus se perçoivent comme partie intégrante de l’existence
sociale, comme s’il s’agissait de leur seconde peau, une “nature” particulière.
Mais c’est aussi par elle qu’ils trouvent les ressources pour contester la
naturalité de cet ordre et leur position sociale.
La conjonction entre la dénaturalisation des rapports
sociaux et la perception des tensions, conflits et luttes de classe qui
traversent l’histoire offre la base pour le développement ultérieur de la
pensée historique. Dans le Manifeste,
en dépit de la brièveté du texte, on remarque la place centrale de cette
articulation. Il n’y a pas une “société de nature”, quoiqu’il y ait un rapport
entre la société et la nature. Au contraire, nous y trouvons le fruit de
transformations historiques et un processus construit socialement qui défait
les liens antérieurs et reconstitue une forme nouvelle et plus puissante de
produire (des biens, des hommes et des institutions). Marx et Engels montrent comment
le capitalisme, impulsé par une force impersonnelle (la division du travail, la
grande industrie), est conduit par une classe sociale bien précise — la
bourgeoisie, à son tour traversée par des contradictions. Le rapport social
complexe qui assure la reproduction capitaliste a lieu à tous les niveaux, de
la dimension internationale au quotidien. Le Manifeste met l’accent sur l’organisation des États en faveur
de la production capitaliste et la soumission des nations au capital, le recul
des libertés durement conquises, l’inter-connexion croissante entre les
diverses régions, le rapport entre la campagne et la ville, la concentration et
la centralisation — de populations, de moyens de production et de la propriété
— la croissance de la capacité productive et la destruction parallèle des
produits, équipements et personnes, la culture en tant que simple dressage pour
le travail industriel, etc.
La dynamique particulière du capitalisme implique une
transformation permanente. Il “ne peut exister qu’en provoquant une révolution
dans la production” et conduit aussi tout ce qui est solide “à s’évaporer comme
de la fumée”.
Ce que Marx définira comme “économie” va donc très au-delà
de l’”homme-marché”, suggéré par quelques libéraux. Si l’on comprend l’économie
comme l’agencement existant entre les hommes dans une société donnée, une série
de dimensions, jusqu’alors occultes ou dissimulées prennent du relief. D’abord,
le fait que chaque société n’est, jamais, un groupe isolé, une culture fermée et
imperméable. Elle établit des contacts, apprend et acquiert des connaissances,
se différencie et construit des similitudes, se mélange et élabore des
articulations particulières entre des groupes distincts.
Ensuite, les formes de domination peuvent, simultanément,
assurer une croissance de la capacité de produire et l’appauvrissement relatif
de la population, par le développement de formes contraignantes (avec des
modalités variées de coercition) de travail et l’approfondissement de la distance
— voir l’abime —entre les classes sociales. Cette différenciation ne dépend en
rien de la nature : les classes sociales ne sont pas le fruit de capacités
individuelles, mais le résultat de luttes, de victoires, de défaites et,
par-dessus tout, du maintien de formes non-économiques de coercition et de
sujétion. Cependant, l’existence même de cette différenciation provoque les
tensions qui traversent ces sociétés : les luttes de classes.
La totalité marxiste se traduit dans la recherche de cette
synthèse qui, fruit de l’histoire, conduit la vie sociale. Comme les sociétés,
cette logique n’est pas immutable, mais se transforme selon les conflits qui
façonnent les nouveaux rapports ou, à l’inverse, adaptent, renforcent et
maintiennent de formes ajournées de domination.
Dans ce sens, le concept de mode de production cherche à
rendre compte des lignes les plus générales qui s’entrecroisent — la production
économique (avec l’accent sur la distribution des classes, groupes et
individus, aussi bien dans la production que dans la distribution des biens),
les formes politiques et culturelles, l’organisation de la famille, la
distribution dans le territoire, etc. Ainsi, le concept ne se limite pas à
décrire la situation d’un pays donné ou d’un groupe spécifique. Il illustre la
forme générale, historique, de l’agencement entre la production de biens
matériels et les classes sociales dans des conditions données.
A la différence de ce que l’on a parfois pensé, la dimension
de la totalité ne suffit pas à tout expliquer. Elle constitue, en fait, un défi
permanent, car elle exige la perception, à chaque moment, à chaque endroit et
dans chaque processus, de la façon dont cet agencement a lieu, quel est son
noeud central, comment se forment les tensions internes et externes à la
société et quelles sont les plus sensibles, de façon à trouver des
issues aux conflits de classe. Le Manifeste,
avec l’oeuvre de Marx et Engels, fournit la plus puissante indication — et il
n’y a aucun historien du XXème siècle qui puisse prendre des
distances sans encourir des risques — pour comprendre la vie sociale et ses
transformations. Il n’y a, strictement parlant, aucune autre explication
capable de dépasser la fertilité de la formulation marxiste. La rigueur de ses
exigences est grande, si l’on maintient un rapport entre la recherche,
l’identification de nouveaux horizons de problèmes (qui se manifestent toujours
dans l’actualité, mais se reportent à leur existence en des temps reculés) et
les formes variées de réponse, formulées par les diverses sociétés.
L’horizon ouvert par la proposition de synthèse marxiste se
fait aussi dénonciation : la découpe arbitraire de segments de la vie
sociale par l’abandon des liens qui l’articulent, tend à naturaliser les
rapports sociaux et à justifier le maintien du statu quo. Quand les formes
sociales exprimant la domination et l’exploitation ne sont pas expliquées,
elles sont présentées ipso facto comme nécessaires et consolident
ainsi la segmentation sociale dont la racine se trouve dans la capacité de
reproduction de la vie sociale.
Si quelques réponses du Manifeste appartiennent au passé, les questions qu’il contient
et les problèmes qu’il indique demeurent actuels. La base solide pour la pensée
critique, l’audace de l’explication, la recherche de la totalité, la
dialectique temporelle et la relation proposée entre la connaissance et les
questions sociales de son temps demeurent des éléments essentiels pour une
réflexion historique conséquente.
Notes
[*] Virgínia Fontes, Universidade
Federal Fluminense. Niteroi, Rio de Janeiro, Brésil
[1] - Dans Polanyi, K. The great transformation, il y a une
intéressante description de la généralisation du libéralisme en Europe au XIXème siècle.
[2] - La Sainte Alliance
incarnait le système de réaction et de répression des grandes monarchies
absolutistes de l’Europe, après 1815.
[3] - D’autres penseurs
énonceraient des systèmes cherchant à intégrer toutes ces interrogations, comme
Hegel, ou encore essaieraient d’intervenir dans la société de façon à augmenter
ou réduire la participation de certains segments, de promouvoir le “progrès” ou
le “bonheur”. Bentham, Jefferson, Paine et Mill, par exemple, établiront les
bases de la pensée démocratique libérale. Voir Macpherson, C. B. Principes
et limites de la démocratie libérale. Paris/Montréal; La Découverte, Boreal
Express, 1985.
[4] - En langue française, le
terme “socialisme” naît autour de 1830 et devient peu à peu courant à partir de
l840.
[6] - Voir Fontes, V. “Capitalismo, exclusões e inclusão forçada.” Tempo.
Relume Dumará/UFF, vol. 2, n. 3, jul. 1997.
[7] - À ce sujet, voir Castel,
R. Les métamorphoses de la question
sociale. Paris, Fayard, 1995, pp. 217-67.
[8] - Marx avait indiqué des
questions concernant l’éthique protestante qui, par ailleurs, a été l’objet des
recherches précises aussi bien de la part de Max Weber que de E. P. Thompson.
[9] - Ce genre de procédure est
encore de nos jours très en usage. L’incapacité de formuler une vraie analyse
et, surtout, d’intégrer ses éléments dans une évaluation synthétisante tend à
exacerber des ressources d’érudition, où la référence constante à des exemples
ponctuels remplace l’explication du processus historique.
[10] - Le recours à la dimension
morale, usuelle au XIXème siècle, tend aussi, de nos jours, à remplacer
l’argumentation explicative, dans une fin de siècle quelque peu mélancolique.
La difficulté d’accepter le défi de notre temps et de construire une
explication historique conséquente, capable de comprendre une pensée
alternative conduit à un retour à des pratiques propres au XIXème siècle,
alors largement critiquées par Marx lui-même.
[11] - L’on peut, certes, en
faire une double lecture. Dans la première, appauvrissante, la classe ouvrière
serait le zénith de l’histoire et porterait en soi le destin de l’humanité,
indépendemment de son action politique. Dans la seconde, plus riche et
originale, le fait que la classe ouvrière occupe le point nodal de la
production capitaliste indique une possibilitéradicalement nouvelle, la
fin des classes sociales. Mais cette possibilité dépend de la capacité de
construction sociale et politique de cette classe, de même que de l’évaluation
des transformations que sa propre action introduit dans cette dynamique.
[12] - Cet aspect fut
souligné, à plusieurs reprises, por E.P Thompson. Voir, par exemple, Tradición, revuelta y consciencia de clase.
Barcelona, Crítica, 1979.
[13] - Ce genre d’apologie du
capitalisme sous-tend des travaux comme celui de Fukuyama.
[14] - Koyré, A. – Études d’Histoire de la pensée scientifique,
ed. Gallimard, 1973, Paris, p. 51.
[15] - Les luttes de classe en France (1850), Le 18 Brumaire de
Louis Bonaparte (1852) e La guerre civile en France (1871).
[16] - Marx et Engels
permettent, ainsi, de rendre compte comment, historiquement, maintes sociétés
sacrifient leurs individus. Les sacrifices peuvent être purement rituels,
peuvent conduire à la peine de mort pour des raisons variées, peuvent encore
conduire à l’esclavage ou à une extrême pénurie pour certains groupes sociaux.
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