► Nous avons
produit ce document d’analyse économique de la crise systémique du capitalisme
d’après les préceptes de Lénine et de Rosa Luxemburg suite au débat que nous
avons mené avec quelques économistes français.
Robert Bibeau | Le capitalisme du début du XXe siècle et le capitalisme
monopoliste (impérialiste) du début du XXIe siècle sont presque identiques. Le
capitalisme moderne répond aux mêmes stimuli économiques ; vise le même
objectif de reproduction élargie du capital (C) ; utilise les mêmes
vecteurs de valorisation de la plus-value (pl) ; et d’accumulation du
profit qu’à l’époque de Karl Marx (Das
Capital) ; la financiarisation globalisée et mondialisée en moins (2).
Ces derniers développements correspondant à ce que Lénine et Rosa Luxemburg ont
caractérisé comme l’étape impérialiste du développement capitaliste suprême,
ultime et décadent (3). Nous présenterons dans la suite de cet document les
concepts modernes de financiarisation, globalisation, mondialisation et
inter-nationalisation de l’économie d’après la théorie marxiste de l’économie
politique.
L’étape présente de
la lutte révolutionnaire
Quelle est l’étape
urgente des activités de la gauche révolutionnaire dans le mouvement ouvrier
contemporain ? Ce n’est pas de structurer les ouvriers dans des mouvements
de résistance à la crise systémique du capitalisme. Ce n’est pas non
plus de les rassembler dans des bataillons de combat pour monter aux barricades
insurrectionnelles. Ce n’est
pas davantage de les mobiliser pour les luttes grévistes – bien que la lutte
gréviste soit à l’ordre du jour partout dans le monde capitaliste. Dans
plusieurs pays d’Europe la coupe est pleine et les ouvriers excédés sortent en
grèves « sauvages » comme disent les patrons. En Amérique latine et
en Chine, on assiste au même phénomène de grève spontanée. En Afrique et au
Moyen-Orient des guerres inter-impérialistes – par sous-fifres interposés –
font s’entretuer des travailleurs et des paysans d’un même pays et d’une même
contrée, dans une immense fourberie ethnique, religieuse, nationaliste,
impérialiste et barbare. Au Canada, les courroies de transmission syndicales
désorientent les luttes grévistes des travailleurs pour les diriger vers les
tribunaux bourgeois alambiqués.
Après la déchéance du mouvement communiste
international ; après la dislocation de la IIIe Internationale et la
débandade du mouvement ouvrier mondial, l’étape présente, sur la voie
révolutionnaire, celle qui confronte tout militant marxiste, est de clarifier
les principes théoriques qui permettront d’analyser concrètement le monde
présent dans son ensemble et dans ses éléments constituants. L’analyse doit
d’abord porter sur les aspects économiques, industriels, commerciaux,
financiers, et par la suite porter sur les facteurs politiques, idéologiques et
sociologiques, afin de comprendre comment le monde impérialiste évolue – se
reproduit – selon les concepts scientifiques marxistes appliqués à la
réalité contemporaine. Vers où se dirige le monde capitaliste en crise
systémique, ce système qui n’en finit plus de tituber sans tomber ? Quels
sont les principes (les contradictions) et les vecteurs (les classes sociales)
qui font se mouvoir ce bateau ivre qui s’empêtre et dégénère sans s’effondrer
définitivement… pour l’instant ?
C’est à cet exercice d’analyse scientifique marxiste des
réalités de la crise économique systémique de l’impérialisme que nous vous
convions. Chacun doit comprendre que cet exposé participe au combat sur le
front idéologique de la lutte de classe. Cet exposé vise à clarifier les
concepts – les idées – dissimulés derrière les argumentations militantes
faussement résistantes de la gauche bourgeoise décadente. Cette gauche
bourgeoise qui se propose encore une fois de désorienter la classe ouvrière
dans son combat, ce que les marxistes doivent empêcher à tout prix.
L’étape présente de développement du mouvement
révolutionnaire est marquée par la nécessité de reprendre les thèses
scientifiques marxistes et de les opposer aux thèses
anarchistes, révisionnistes, opportunistes, maoïstes et réformistes qui
s’épandent parmi la classe ouvrière mondiale et la désoriente de sa mission
révolutionnaire qui réclame le renversement total du capitalisme et
l’édification d’une société nouvelle, socialiste, puis communiste, encore inconnue.
Capitalisme et
impérialisme
Commençons par clarifier les concepts de capitalisme et d’impérialisme,
les idées les plus galvaudées par une certaine gauche pédante et ignorante. L’impérialisme
n’est pas la solution que les capitalistes ont imaginé pour sauver le
capitalisme de brocante. L’impérialisme ce n’est pas la volonté
d’ingérence des grandes puissances contre les pays indigents. L’impérialisme
ce n’est pas une superpuissance politique, idéologique et militaire dirigeant
une cohorte de pays économiquement puissants cherchant à imposer leur
hégémonie sur divers pays indigents, « indépendants » et soi-disant
« résistants ». L’impérialisme n’est pas l’antithèse du nationalisme
patriotique bourgeois. L’impérialisme ce n’est pas le Premier monde d’une trilogie
rocambolesque opposant les grands aux moyens et aux petits pays en sursis
(sic). Tout cela ce sont les formulations de Kautsky un politicien bourgeois,
social-démocrate allemand, du siècle précédent. Tout ceci n’est que l’apparence
dissimulant l’évidence. Ces thèses ne sont que fumisteries derrière lesquelles
se dissimulent l’opportunisme et le réformisme de la droite comme de la gauche
bourgeoise.
L’impérialisme c’est le mode de production et les rapports
de production capitalistes rendus à leur stade ultime de développement, au
moment où le système économico-politique ne parvient plus à résoudre ses
contradictions internes. Ces contradictions qui anciennement mettaient les
forces sociales en action pour les résoudre et de ce fait entraînait la croissance
du capital et le développement de la société capitaliste. Aujourd’hui, les
contradictions, et les classes sociales chargées de les résoudre, paralysent
plutôt le système économique et détruisent les forces productives et les
marchandises en surproduction relative.
Ainsi, quand la société féodale attachait le paysan à la
terre aux rendements déclinants, l’empêchant de migrer vers la ville pour
s’employer comme salarié dans les manufactures émergentes, Marx disait que la
contradiction du mode de production féodale, c’est-à-dire l’opposition entre la
classe des seigneurs propriétaires de la terre et la classe des serfs enchaînés
à la terre, devait être résolue par la libération des forces productives du
servage afin qu’elles se transforment en classe ouvrière salariée et
industrielle, ne possédant en propre que leur force de travail sur le marché de
la libre concurrence capitaliste. Cette contradiction antagoniste au sein du
féodalisme a été résolue à travers la révolution bourgeoise industrielle qui transforma
le monde en transformant le mode de production. Depuis, ce nouveau mode de
production capitaliste s’appuie sur ses propres contradictions motrices et ses
propres classes antagonistes, la bourgeoisie capitaliste et le prolétariat
salarié.
Le capitalisme marqua d’abord une avancée pour l’humanité.
Il permit de démultiplier les forces productives et les marchandises à
commercialiser à travers une exploitation intensive d’une portion de l’humanité
(les ouvriers) résidante aussi bien en pays capitalistes avancés qu’en pays
capitalistes arriérés. La différence entre ces deux catégories n’est pas une
différence structurelle, mais une différence superficielle. Cette différence
est le fruit de la division internationale du travail et de la production, et donc
de l’accaparement différencié de la plus-value et du capital privé et étatique
bourgeois. C’est ce que Rosa Luxemburg, comme Lénine, appelleront le développement
inégal, combiné et par bond du capitalisme dans divers pays, hier tous
capitalistes et aujourd’hui tous impérialistes.
Le monde actuel n’est pas divisé en un triptyque de « Trois
mondes capitalistes » de plus ou moins grandes dangerosités (sic). Le
monde capitaliste contemporain est regroupé sous un seul mode de production
hégémonique alors que quelques reliquats épars du mode de production féodal
sont toujours en cours d’intégration systémique (Afghanistan, Bhoutan, Népal,
Mauritanie, Mali, Centre Afrique, etc.) Le monde capitaliste-impérialiste est
divisé en deux immenses forces, la classe capitaliste monopoliste hégémonique
mondiale, et la classe ouvrière internationale révolutionnaire, qui pour le
moment accumule ses forces afin d’ébranler et, nous l’espérons, renverser
l’Ancien Monde.
L’impérialisme c’est le mode de production capitaliste à son
stade suprême et décadent d’évolution. Un système de production globalisé, internationalisé,
intégrant la totalité des moyens de production existants, des transactions
commerciales, des tractations diplomatiques, des échanges
internationaux ; la totalité des alliances et des affrontements se
développant sur la Terre tout entière. L’État d’Haïti fait partie intégrante de
l’ensemble impérialiste mondialisé et globalisé. L’État impérialiste haïtien a
la particularité d’être pauvre, de jouer un rôle modeste et spécifique dans
l’ensemble impérialiste mondial. Il est le fournisseur de main-d’œuvre peu
qualifiée et bon marché des multinationales du sucre établies en République
dominicaine ainsi que de quelques manufactures de vêtement installées à
Port-au-Prince. Le reste de la population d’Haïti est considéré comme un
« avatar » par l’impérialisme mondial qui lui accorde bien peu
d’importance. Cette population peut mourir, disparaître sous les décombres,
s’entretuer, l’impérialisme international n’en a cure. Il en est de même pour
les populations du Libéria, du Sierra Léone et de la Guinée soumises aux affres
de l’épidémie d’Ebola. L’approvisionnement en travailleurs miniers
guinéens compétent préoccupe Rio-Tinto-Alcan, entreprise multinationale
australienne, britannique et canadienne. Le reste de la population, qui ne
laisse pratiquement aucune empreinte économique dans le paysage impérialiste
mondial, ne préoccupe nullement ce géant. Nous pourrions reprendre cette
démonstration pour chacun des petits pays intégrés au mode de production
capitaliste-impérialiste et pour ceux pas encore totalement intégré comme l’Afghanistan,
hier objet de toutes les attentions et aujourd’hui retourné à l’âge de pierre
et à l’oubli depuis que les États-Unis et l’OTAN y ont stoppé les avancés de
l’impérialisme russo-chinois.
Imbroglio théorique à
propos de l’impérialisme
La gauche bourgeoise conteste la conception de
l’impérialisme global et mondial que nous venons de présenter et soutien plutôt
que les pays émergent tels le BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du
Sud), divers pays de l’Amérique Latine (MERCOSUR et Alliance bolivarienne) et
certains pays d’Asie (Corée du Sud, Taïwan, Indonésie) se seraient développés
par eux-mêmes en tant que puissances capitalistes ne s’appuyant que sur leur
propre capital national, ce qui leur donnerait une certaine « indépendance
nationale » vis-à-vis ce qu’ils appellent les puissances impérialistes
occidentales. Ces supputations réformistes et opportunistes ne tiennent pas la
route et ne reposent sur aucune donnée validée. Le dernier pays isolé qui est
parvenu à construire seul son infrastructure industrielle lourde et légère
(secteur 1 et 2 selon Marx) fut l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques
(1921-1939). En 1939, cette nouvelle puissance capitaliste terminait son
intégration dans le monde impérialiste mondialisée et globalisée, d’abord dans
l’alliance germano-soviétique, puis, en 1941, au sein du consortium
américano-soviétique qui s’est partagé le monde de l’après-guerre. Le petit
prolétariat russe de 1917 (7 millions d’individus), faible, peu expérimenté, et
largement minoritaire parmi les masses paysannes arriérées (35 à 50 millions
d’individus), illettrées, miséreuses et paupérisées, ne pouvait construire
seul la société post-industrielle socialiste de l’abondance en sautant
par-dessus l’étape du capitalisme industriel et sans le soutien du prolétariat
du monde entier. Le reste du prolétariat mondial avait lui aussi une marche
historique à compléter avant de faire germer de ses mains laborieuses la
nouvelle société socialiste post-capitaliste.
Depuis l’époque soviétique aucun pays, y compris la Chine
paysanne, semi-féodale, nationaliste, puis impérialiste, n’est parvenu à
s’ériger en puissance capitaliste indépendante hors de l’ensemble impérialiste
globalisé et mondialisé. Depuis l’URSS, tous les pays qui se sont
industrialisés l’ont fait sous la gouverne des entreprises privées capitalistes
occidentales en collaboration avec la bourgeoisie et les compagnies privées ou
semi-étatiques de ces pays « émergents » (sic).
Ce n’est pas le statut de privé, public, semi-étatique, ou
de consortium à propriété partagé qui détermine le statut capitaliste ou
socialiste d’une entreprise. Pour qu’une entreprise soit socialiste, elle doit
se développer dans une société totalement socialiste, c’est-à-dire vivant, sous
la dictature du prolétariat. Une société ne peut être mixte, une entreprise ne
peut être à propriété mixte capitaliste et socialiste. Cela est impossible. Les
deux modes de production capitaliste et socialiste (puis communiste) ne peuvent
absolument pas coexister pacifiquement et encore moins sur un
territoire national bourgeois. En 1917 et en 1949, les tentatives de
construire le socialisme dans un seul pays isolé était voué à l’échec et le
resteront à jamais.
Les pays capitalistes
émergents
Le concept de pays capitalistes émergents doit être compris
comme une mesure de la progression d’un pays capitalisme-impérialiste par
rapport à d’autres pays capitalistes-impérialistes plus avancés et aussi par
rapport à d’autres pays capitalistes-impérialistes indigents, moins
performants, bénéficiant de moins de capitaux et de moins de ressources
naturelles. Quoique cette dernière variable soit de faible valeur explicative
comme le prouvent le développement de villes États comme Singapour, Monaco,
Hong-Kong et Macao, etc.
La
« révolution altermondialiste »
Face à la crise systémique de l’ensemble du mode de
production impérialiste qui secoue tous les continents, les courants de la
gauche bourgeoise sont unanimes et ils déclament qu’un Nouveau Monde est
possible (sic). À l’exemple de Warren Buffet le multimilliardaire, ils
réclament une plus juste répartition des revenus entre les riches, dont les 1%
accapare presque 20% du patrimoine mondial, alors que les 99% restants se
partagent le 80% résiduel. Pire, quelques milliards d’individus subsistent dans
une immense pauvreté, sans eau potable, et avec moins de 2 dollars par jour
pour se nourrir et se vêtir. Nous connaissons toutes ces calamités issues de
l’impérialisme débridé. La question qui nous confronte n’est pas de reconnaître
cette réalité souffrante, mais de la transformer, de la changer radicalement… Mais
comment ?
La go-gauche radical s’aventure à quémander des
augmentations de salaire pour tous les salariés. Différentes tactiques sont
présentées pour redistribuer l’argent et hausser le salaire minimum (SMIC). Ou
alors pour augmenter les prestations d’assistance sociale et d’assurance
chômage. On propose de réduire les tarifs des services publics. On suggère de
hausser les impôts des riches et d’enrayer l’évasion fiscale. Évidemment, ces
pseudo « solutions » ne concernent que les pays occidentaux, puisque
dans les pays du tiers-monde ces prestations et ces services ne sont même
pas disponibles pour l’immense majorité… Comment hausser un salaire minimum qui
n’existe pas et alors que 50% des travailleurs sont sans emploi ? Comment
hausser des prestations d’aide sociale inexistantes ? Misérables bobos
altermondialistes, petits-bourgeois gauchisants et décadents.
Enfin, quelques économistes aussi
« progressistes » que le nobélisé Joseph Stiglitz ex-conseiller du
Président américain Bill Clinton, et l’altruiste Thomas Piketty, à la remorque
du millionnaire John Maynard Keynes attestent qu’il y a va de la survie du
capitalisme et qu’il faut augmenter les revenus des salariés pour relancer la
consommation (4). On en vient à ne plus rien comprendre. Pensez donc,
l’économie impérialiste s’écroule, les thuriféraires universitaires et les
Nobels d’économie biens pensants ont trouvé la solution (augmenter les revenus
des consommateurs afin de relancer la demande) et les magnats de la finance,
les capitaines d’industrie, les larbins politiciens n’écoutent rien et refusent
d’appliquer le remède qui pourrait sauver tout leurs biens. Comment expliqué
une telle contradiction entre la raison et les centres de décision ? C’est
que la « solution » des sommités de l’économie est bidon et les
pontifes de l’économie politique capitaliste ronronnent pendant que la gauche
bourgeoise s’époumone.