31/1/17

Reflexions sur Karl Marx et le socialisme africain

Yves Person

« Economie et culture sont les deux versants indissociables de la vie » a écrit récemment Cheikh Amidou Kane. Une voix africaine dénonce ainsi le déterminisme économique, qui est la philosophie du capitalisme, mais que le socialisme n’a pas toujours su dénoncer, car il n’osait pas s’élever contre l’épistémologie positiviste qui en est la conséquence. Or celle-ci a mis l’Europe sur la voie de la puissance et de la domination mondiale mais aussi nous le voyons maintenant, l’humanité sur celle de la catastrophe. C’est cet héritage européen que beaucoup d’Africains s’efforcent à présent de capter et ce sont ses principes qu’ils veulent diffuser chez eux, au nom d’une efficacité imaginaire, au moment où il est répudié dans son domaine d’origine. 

Le débat entre économie et culture ne s’est noué vraiment qu’au XVIIIe siècle, c’est-à-dire quand l’économie a prétendu imposer une hégémonie absolue et soumettre l’homme à une logique qui lui était extérieure afin de justifier la pratique du capitalisme. On demandait à l’homme qui, dans sa vie limitée, a surtout besoin de relations avec ses semblables, de renoncer à celles-ci pour y substituer les abstractions de la marchandise. C’est-à-dire de renoncer à l’autonomie créatrice, qui n’a de sens que dans le groupe où il vit, pour se laisser transformer en objet. Le socialisme n’a d’autre sens ni de réalité historique que de s’être révolté contre les pratiques inhumaines découlant de ses prémisses. Marx a su dénoncer les relations de marchandise et analyser le mécanisme du système, ce qui lui assure une grandeur durable. Il a vu que l’homme ne pouvait être libéré si on ne lui rendait pas son autonomie créatrice, si on ne le désaliénait pas.